L’origine du mot Burundi : analyse linguistique, et sociologique pour comprendre le nom et sa signification.
Gitega, 1/06/2024 – En pleine “Afrique impériale” [1], dans les cartes du 15ème siècle, on trouve le Burundi au cœur de l’Empire Monoe Mugi (prononcé en portugais) ou Mwene Mwezi [2]. De nos jours, nous connaissons le Burundi comme le Burundi, mais il existe aussi Ulundi [3], une ville d’Afrique du Sud, dans le KwaZulu-Natal, autrefois capitale du Zoulouland puis du KwaZulu, avant d’être cocapitale de province de 1994 à 2004 avec Pietermaritzburg. Fondée par un Mwami (cf. roi) au nom étrangement burundais de (Cishihayo) Cetshwayo kaMpande en 1873, cette ville guerrière est connue pour la Bataille d’Ulundi du 4 juillet 1879, où le chef Zulu (Zoulou) Cetshwayo kaMpande affronta les colons britanniques du lieutenant-général Frederic Augustus Thesiger (Lord Chelmsford). C’est lors de cette bataille que le Français Louis Napoléon, fils de Napoléon III, fut vaincu et tué.
Pour comprendre l’étymologie du mot “Burundi”, il faut plonger dans la linguistique et la sociologie profonde des Barundi, explorant l’Ubungoma et l’Ubuntu. En linguistique de Kama (ou Africaine), “Burundi” en Kirundi ou en Kiha (ou Giha) ainsi que dans les langues bantu signifie :
– Le “Bu” de Burundi indique un tas, une molécule complète, ou un marqueur de lieu, comme urubu (le tour, la caillebote : lait caillé), umubu (un moustique).
– “Kurunda” signifie regrouper, rassembler.
– Le “Ru” (cf. ijuru) ou “Lu” (cf. nzuLu) désigne ce qui est en haut : ciel, paradis, mort, ancien, ancêtre, grand, autorité, voûte céleste, etc.
Les héros fondateurs des Ingoma (cf. État) des pays des Grands Lacs d’Afrique de l’Est sont souvent dits venir d’en haut, ruguru (d’en haut), ibimanuka (les descendus, les êtres célestes).
– Le “n” ou na signifie “appartient”, avec, et, même, par, aussi.
– Les mots (ulundi, olundi, lundi, urundi, rundi) signifient un autre, étranger, inconnu, tibia (vital pour le mouvement, le support, la protection et la structure du bas du corps), les manches d’un soufflet (cf. Le forgeron), etc. On trouve aussi indiba (le fond de quelque chose), idida (la terre battue), ubudida (une variété de haricot à très petites graines).
– Le “ndi” vient de da soit inda, signifiant le ventre, ici -ndi- dans le sens de “ventre caché”.
Venons-en à la sociologie…
Le mot “Burundi” désigne un territoire à Kama (Afrique) appelé en français : Burundi. Les Barundi [4], un peuple constitué de “imiryango” (Communautés familiales) occupant des “amatongo” (terres sacrées) et réalisant des “ubugeni” (mariages) entre eux, appellent ce territoire – Ingoma y’Uburundi -.
– Ingoma y’Uburundi – est le nom traditionnel que les Barundi donnent à ce territoire appelé en français “Burundi”.
“Ingoma” désigne l’État ou le système politique institutionnel des Barundi. Les abataka (chefs/représentants de chaque communauté familiale) font “ubuganwa” (alliance politique) entre eux en se désignant “umwami” (chef), soit un Mwami.
“Ingoma” est aussi un tambour, car les Barundi sont un peuple de l’Ubungoma. L’Ubungoma est leur cosmologie, mettant en scène un couple de tambours pour illustrer le début de l’Univers : le couple MukaKaryenda – Karyenda. Tout commence dans le Monde des sons et des vibrations, un monde appelé “Noun” (océan primordial ou eaux primordiales) par les anciens égyptiens : le Monde du couple MukaKaryenda – Karyenda, une force énergétique.
“Nyaburunga” est aussi un nom donné au Burundi, signifiant généralement “celui ou celle qui appartient (Nya = Imana appartenant au couple Ingoma ou Mukakaryenda-Karyenda ) à la rivière (burunga)” ou “lié à la rivière” (cf. aux eaux).
Ce monde du couple MukaKaryenda – Karyenda donne naissance au Monde caché d’Imana où apparaissent la vérité, l’âme unie à l’esprit, la destinée de chaque être, la chance de vie de chaque être, la particule première, etc. À ce niveau commence l’Ubuntu, soit la compréhension de l’humanité. Ce monde caché d’Imana engendre ensuite “uburemagi” (notre monde réel), soit notre univers. C’est dans l’intersection entre ce monde caché d’Imana et notre monde réel uburemagi que réside le Monde du couple Mukakiranga – Kiranga, soit l'”imnty” (l’Amenti, l’amDuat) [5], le monde des ancêtres chez les anciens égyptiens.
“Uburundi” (urundi) ou “ubulundi” (ulundi) est un territoire caché du Monde du couple Ingoma (cf. Mukakaryenda-Karyenda) ou des eaux primordiales apparaissant précisément dans le monde des ancêtres ou Monde du couple Mukakiranga – Kiranga.
L’étymologie du mot “Burundi” ne peut être comprise qu’en invoquant la linguistique et surtout l’Ubungoma ( cf. la spiritualité ou la science des Barundi). En conclusion, “Burundi, urundi, ulundi” fait référence au ventre caché des anciens ou des ancêtres, soit le paradis (celui des ancêtres), le “ciel du ventre”, le péritoine, etc.
Ainsi, on peut dire que le Burundi est le lieu des ancêtres ou l’au-delà, la demeure des morts. Précisément le repère dans le monde caché d’Imana où la résurrection de l’âme unie à ses deux esprits est prête à retourner, sans y retourner, dans notre monde réel uburemagi.
NOTES :
[1] – Burundi : Le Mwene Mwezi ou Empire CWEZI des Barundi.
[2] – Burundi : Au 15ème siècle, Ingoma Y’Uburundi gère l’Empire Mwene Mwezi – https://burundi-agnews.org/eac/burundi-au-15eme-siecle-ingoma-yuburundi-gere-lempire-mwene-mwezi/
[3] – Burundi : Histoire – Ulundi, le Burundi d’Afrique du Sud – https://burundi-agnews.org/eac/burundi-histoire-ulundi-le-burundi-dafrique-du-sud/
[4] – Les Barundi sont un peuple “Ha” (cf. Buha, Kigoma), soit du lieu de départ de notre monde (cf. région des Grands Lacs africains)
[5] – L’Amenti est le royaume des morts, le lieu où les âmes des défunts émigrent après la mort (le couchant du soleil où l’on situait la demeure des morts). L’Amenti, là où règne Osiris (Karyenda, le Tambour sacré), que se rend l’âme du défunt après sa momification.
– Duat symbolise le séjour dans l’au-delà de l’âme des défunts après leur mort, en attendant qu’ils ressuscitent en même temps que le Soleil.
DAM, NY, AGNEWS, https://burundi-agnews.org, Samedi 1 juin 2024 | Photo : bdiagnews ; Cf. Mworoha, Histoire du Burundi – Des origines à la fin du XIXème siècle-, ed. Hatier, 1987, pages 272.