Il y a beaucoup de similitude avec le modus operandi utilisé lors de la campagne d’assassinats ciblés contre certains hauts officiers de l’armée burundaise. Une campagne déjà analysée par Ikiriho.
Quand Hafsa Mossi est tuée à bout portant près de son domicile de Mutanga Nord le 13 juillet 2016, tout le Burundi est sous le choc. Les larmes coulent. Ses collègues du Parlement burundais, de l’East Africain Legislative Assembly (EALA), les militants du Cndd-Fdd pleurent une femme au grand cœur. Les messages de condoléances fusent de partout au monde.
Sage, parlant d’une voix posée, généreuse, elle soutenait notamment la compétition Miss Burundi en cours. La député originaire de Makamba était appréciée par un grand nombre de Burundais, du parti présidentiel à l’opposition.
Mais qui avait intérêt à ce qu’elle disparaisse ?
Immédiatement après l’assassinat, les premiers soupçons de la police se sont portés vers l’entourage familial. En effet, les assassins semblaient savoir avec précision les déplacements de la victime. La preuve est avec la méthode de l’assassinat: sa voiture a été volontairement cognée derrière. Hafsa est sortie de la voiture pour voir ce qui se passait. Et c’est un tir à bout portant qui va l’emporter.
Les services de sécurité ont alors ceinturé très discrètement tout le quartier afin de progresser dans les fouilles. Mais rapidement, ils ont été forcés de constater que les criminels n’étaient pas sortis du périmètre proche de la scène d’assassinat de la député.
Ce n’est que plus d’une semaine après une analyse minutieuse du voisinage que la police met la main sur la cache des criminels. Ceux-ci, pour eviter de se faire repérer, avaient loué une maison à Mutanga Nord même, et vivaient comme de simples résidents.
Sur le cerveau du commando, la police trouve plus de 50 cartes SIM, autour de 2 millions de Fbu de crédit pour appeler dans son téléphone, 7 carnets de chéquier de différentes banques commerciales de Bujumbura et un plan d’assassinat d’un influent Conseiller à la Présidence. Surtout: « Les appels retrouvés sur les cartes SIM démontrent les liens entre le commando et un commandement établi à Kigali » affirme-t-on au sein de la police burundaise. « Bankole », un des membres du commando, parviendra à passer au travers des pièges de la police avant de rejoindre le Rwanda.
Y aurait-il donc ceux que la mort de Hafsa Mossi arrangeait? Des sources de la police criminelle répondent: « Il suffit juste d’analyser le plan et les enjeux de communication du moment pour comprendre la réalité ».
En effet, juste après le crime, le journal Jeune Afrique dont l’amitié avec Kigali n’est plus à démontrer titre: Assassinat d’une figure modérée du CNDD-FDD. A ce moment et même avant, tous les leaders et soutiens de l’opposition radicale, dont certains sont à Kigali, évoquent abondamment la mort de la député sur les réseaux sociaux en utilisant une même photo. Elle date de 2015, et on y voit Hafsa Mossi pleurer en regardant des réfugiés burundais au Rwanda.
L’objectif est de faire croire l’opinion que la député a été tuée par les ténors de Bujumbura pour sa compassion envers ses compatriotes réfugiés, comme le dira Innocent Muhozi, actuellement vivant à Kigali. Son frère Gakunzi ira même jusqu’à inventer de toutes pièces une scène pour appuyer cette thèse.
Familière avec les manipulations de l’information dans les Grands Lacs, une ancienne journaliste burundaise est en colère. « Hafsa était proche du Président Nkurunziza. Ceux qui ont cru à cette propagande ont malheureusement oublié une chose: avant même les débuts des manifestations de 2015, Hafsa avait été indexée par Pancrace Cimpaye, futur porte-parole du CNARED comme un des principaux distributeurs des armes sous les ordres de Nkurunziza pour exterminer opposants et frondeurs« . Et ce sont ces mêmes accusations de distribution d’armes pour commettre un génocide qui feront fuir des dizaines de milliers de Burundais, principalement vers le Rwanda.
Autre chose: « Hafsa Mossi, en tant que responsable du Burundi Chapter au sein de l’EALA, avait été derrière l’organisation de la mission d’enquête pour évaluer sur terrain la sécurité au Burundi« . Et les résultats n’avaient pas plu à tout le monde: le climat sécuritaire s’est fortement amélioré et l’EAC peut reprendre ses activités au Burundi.
Or, si la sécurité est de retour au Burundi et que l’EAC reprend ses missions et réunions dans le pays, alors l’opposition radicale ne pouvait plus jouer la carte de communication en affirmant des risques de guerre dans le pays. Et le dialogue inter-burundais d’Arusha allait rapidement rentrer au pays.
« L’assassinat de Hafsa Mossi fut donc une punition pour avoir indirectement osé aider le gouvernement burundais à démontrer que la sécurité est revenue au Burundi », explique-t-on au sein des services diplomatiques burundais.
« La mort violente d’un député, ancienne journaliste de la BBC et ministre de l’EAC prouvait par des faits qu’il n’y avait pas de sécurité à Bujumbura. Et comme c’était une personne bien connue dans les rédactions africaines et européennes, sa mort allait faire du bruit. Alors qu’à côté, à Kigali, tout se passait bien, que les délégations venues pour le Sommet de l’Union Africaine étaient heureuses de l’hospitalité rwandaise… Vous n’imaginez pas que le Burundi allait y rester face à tant de cynisme ».
Dernier crime de Hafsa Mossi: elle était pressentie comme la candidate du Burundi pour présider l’EALA à partir de 2017: « Ce qui ne plaisait pas à un certain voisin du Burundi » ajoute un député burundais.
Selon des sources à l’EALA, « ce qui est soulageant sur ce crime est que les services de renseignements de la région savent ceux qui sont derrière. Nous attendons des décideurs politiques qu’ils nous aident à assainir cette situation« .
On remarquera surtout que ceux qui ont tué Hafsa Mossi utilisent le même procédé pour les autres crimes des proches de Nkurunziza: (1) diabolisation – (2)assassinat – (3)accusation du pouvoir d’être derrière l’assassinat.
Ça a été la même chose pour le Lt-Major Darius Ikurakure, le Lt-Général Adolphe Nshimirimana, le Lt-Général Prime Niyongabo (qui a échappé), etc.