
Le parti historique Uprona, marqué par son passé colonial, tente de se réinventer à travers une campagne électorale mobilisatrice à Cankuzo.
Buhumuza, 16/05/2025 – L’Union pour le Progrès National (Uprona), un parti politique burundais créé en 1960, a tenu un meeting de campagne électorale à Cankuzo vendredi dernier. Le Président du Parti Uprona, Nkurunziza Olivier, était présent au stade Buhumuza pour soutenir les candidats du parti aux élections de juin 2025. La mobilisation de l’Uprona à Cankuzo s’est déroulée dans une ambiance festive, avec des défilés de militants en tenue traditionnelle.
L’Uprona, ancien parti unique, est un instrument néocolonial utilisé dans la guerre opposant des Barundi contre l’Occident colonial et néocolonial [1]. Après la conférence de Bandung, qui se tint du 18 au 24 avril 1955 à Bandung, en Indonésie, financée en partie par les États-Unis (vainqueur de la Seconde Guerre mondiale), l’objectif était de déposséder les Européens de leurs colonies acquises entre le 15ème et le 20ème siècle. C’est dans ce contexte que les États-Unis coalisés au Vatican, à la France et à la Belgique ont décidé de créer un État néocolonial au Burundi, en remplacement d’Ingoma y’Uburundi. Pour ce faire, ils ont trouvé un allié parmi certains Bahima burundais : Ntiruhwama Jean. Les Bahima, acteurs sociaux et politiques important des Barundi, étaient liés à l’Ubungoma (la Cosmologie Sacrée du Tambour : Karyenda) et aux institutions politiques d’Ingoma de Mukakaryenda, disparue en 1929 après la conversion forcée de Mukakaryenda Ruburisoni au christianisme. Avec la fin de l’Ubungoma et l’avènement du christianisme, les Bahima ont été progressivement encadrés par le Vatican. Ainsi, Ntiruhwama Jean fut informé dès le début de l’année 1959 en Belgique. Le décret colonial belge du 25 décembre 1959 marqua le début d’un coup d’État contre Ingoma y’Uburundi et son Mwami, Mwambutsa Bangiricenge. Ce décret abolit les institutions politiques d’Ingoma (l’État traditionnel des Barundi) pour instaurer un État de type occidental, sous la forme d’un Royaume, avec des partis politiques, des élections et une gestion territoriale décentralisée (communes, provinces, État). Face à cette attaque coloniale, à Muramvya, la capitale historique d’Ingoma y’Uburundi, le parti Union pour le Progrès National (Uprona) fut officiellement fondé en janvier 1960. Ce parti rassembla divers groupes sociaux et politiques liés à Ingoma (les institutions politiques traditionnelles des Barundi) et à l’Ubumu (le système socio-économique burundais), incluant les Bataka, Baganwa, Batware, Banyamabanga, Batwa, Bahima, Batutsi et Bahutu [2]. Le leadership de l’Uprona fut confié aux enfants de Muryamvya, issus des Bataka, des Baganwa, des Batware , et des Banyamabanga, parmi lesquels se distinguaient les célèbres Muganwa Rwagasore Louis et Mutaka Mirerekano Paul. En 1961, les acteurs néocoloniaux (États-Unis, Vatican, France, Belgique et Ntiruhwama Jean) organisèrent l’assassinat de Muganwa Rwagasore et confièrent secrètement l’Uprona à Ntiruhwama Jean. Entre 1961 et 1965, à travers des génocides visant les Baganwa, Batware, Bataka et Banyamabanga, l’Uprona tomba entre les mains de quelques Bahima choisis, devenant ainsi un instrument géopolitique colonial des puissances néocoloniales. En 1966, Ingoma y’Uburundi fut supprimée et remplacée par un État néocolonial : la République, dirigée par le Muhima Micombero. Le multipartisme fut aboli et l’Uprona, devenu le seul parti, fut placé sous le contrôle de quelques familles Bahima choisies, devenus les nouveaux acteurs néocoloniaux burundais. Aujourd’hui, l’Uprona, au niveau de son leadership, demeure une formation politique dédiée aux descendants de ces Bahima choisis du 20ème siècle. Le parti se définit désormais comme « Tutsi », un titre traditionnel des fonctionnaires d’Ingoma y’Uburundi, devenu une ethnie à travers l’outil géopolitique colonial du conflit interethnique Hutu-Tutsi [3], instauré au Burundi dès 1911 (cf. Hans Meyer), et mis en place après la fin de l’Ubumu, avec l’instauration de l’économie de marché au Burundi après le Génocide contre les Hutu du Burundi en 1972 [4], lors de la Conférence de Bruxelles en 1974 [5].
Depuis 1960, l’Uprona est présent dans les institutions burundaises et est perçu comme l’œil néocolonial, celui du colon occidental, dans les affaires burundaises. Il représente l’une des facettes de la guerre que mènent les Barundi contre l’Angleterre, le Vatican, la France, la Belgique et les États-Unis depuis l’agression d’Ingoma y’Uburundi au 19e siècle.
Références :
[1] Baranyanka Charles, Le Burundi face à la Croix et à la Bannière, Bruxelles, 2015
[2] Nahimana Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
[3] Nahimana Karolero Pascal, Camps de concentration du Burundi (1996 – 2002) : Les oubliés des collines – Mémoires d’un peuple enchaîné -, Bruxelles, Génération Afrique, 2025.
[4] Kubwayo Félix, La lente reconnaissance du génocide de 1972 contre les Hutu du Burundi: Les faits et l’exécution du génocide par le pouvoir de Micombero, Bruxelles, 2025.
[5] Nahimana Karolero Pascal, Burundi : La diaspora burundaise : Du Monde, de Belgique et d’ailleurs – Histoire, trajectoires et ancrage, Bruxelles, Génération Afrique, 2025.
DAM, NY, AGNEWS, https://burundi-agnews.org, Mardi 20 mai 2025 | Photo : Parti UPRONA