Le Sénat burundais a présenté les résultats de recherches sur les crimes coloniaux allemands et belges, exigeant réparations.

Bujumbura, 28/01/2025 – Dans le cadre de ses politiques étrangère et judiciaire, ainsi que des travaux de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), le Sénat burundais a organisé une conférence publique pour présenter les résultats de recherches approfondies sur la période coloniale allemande et la réforme administrative belge de 1925 au Burundi.

Les chercheurs ont exposé les impacts historiques, anthropologiques, socio-politiques, socio-économiques et juridiques de cette période sombre. M. Batungwanayo Aloys, historien, a rappelé que le Burundi, alors appelé Ingoma y’Uburundi, a perdu sa souveraineté après la Conférence de Berlin (1884-1885). Plus de 10 000 Burundais ont été tués, l’armée allemande a remplacé celle du Mwami (roi), et le pays a été divisé en trois parties. La réforme administrative belge de 1925 a achevé cette déstructuration, aboutissant à la disparition totale d’Ingoma y’Uburundi en 1966, avec l’instauration d’un État néocolonial, la République du Burundi, soutenu par les États-Unis, le Vatican, la France et la Belgique. Ingoma, un État millénaire [1] typiquement africain, remplacé par une république !

Sur le plan anthropologique, le Dr Manirambona Jean Bosco a dénoncé la profanation de la culture burundaise, la destruction de la sacralité du Mwami, l’ethnicisation de la société et la création d’inégalités sociales. Des éléments centraux de la culture burundaise, comme l’Ubungoma ( la manière du Tambour, la chose du Tambour, soit la cosmologie burundaise ) et l’Ubuntu (la pensée philosophique des Barundi), ont été effacés au profit d’un christianisme imposé. Le Karyenda, le Tambour sacré, a disparu, et son épouse, MukaKaryenda, a été convertie de force. Entre 1920 et 1944, environ 50 000 Banyamabanga ( prêtres traditionnelles, savants, planificateurs et régulateurs Barundi ) ont été persécutés, tués, exilés ou convertis de force.
Concernant l’ethnicisation de la société burundaise, après seulement deux semaines [2] passées au Burundi, l’Allemand Hans Meyer, devenait spécialiste d’Ingoma y’Uburundi (cf. Die Barundi), et affirmera que les termes Hutu, Tutsi et Twa désignent des ethnies, ce qui est totalement faux. En réalité, ces termes correspondent à des titres de classes sociales liés à l’Ubumu, le système socio-économique traditionnel des Barundi.

Sur le plan socio-économique, le professeur Ndayizeye Léonidas a souligné le pillage de 1 066 vaches et 2 021 chèvres, ainsi que la destruction de milliers de maisons. Le système socio-économique traditionnel Ubumu a été anéanti en 1972, avec le Génocide contre les Hutu du Burundi, remplacé par une économie de marché imposée à petite dose depuis la colonisation.

Le Dr Bukuru Jean Baptiste , expert en droit international, a qualifié ces actes de crimes contre l’humanité, appelant la Belgique et l’Allemagne à assumer leurs responsabilités. Il a insisté sur la nécessité de créer une commission mixte pour analyser les archives coloniales et établir un bilan précis des victimes burundaises.

Les ambassadeurs de Belgique et d’Allemagne présents à la conférence ont exprimé la volonté de leurs pays de discuter sans tabou de cette période et d’ouvrir leurs archives au public.

Le Président du Senat, le très aimé Sinzohagera Emmanuel, a salué cette initiative, rappelant que la Constitution burundaise donne au Sénat le mandat de rassembler le peuple autour de son histoire. Il a appelé à intégrer ces recherches dans les programmes scolaires pour préparer un avenir harmonieux et réaliser les visions 2040 et 2060 du Burundi.

Références :
[1] Nahimana Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi, Éd. Génération Afrique, 2024.
[2] Rugurika Mathias, Repères historiques du Burundi : Tome 1 : de la période précoloniale à l’indépendance, le 1 juillet 1962 , 2022.

DAM, NY, AGNEWS, https://burundi-agnews.org | Photo : RTNB.BI