
Lors de la 3ème Conférence ONU sur les Océans à Nice, le Président Ndayishimiye Evariste a porté une vision africaine de l’économie bleue, mêlant enjeux contemporains et lutte contre les héritages coloniaux.
Nice (France), 9/06/2025 – Devant les délégations internationales réunies pour la 3ème Conférence des Nations Unies sur les Océans, co-organisé par le Maroc et la France, accompagné de son excellent ministre burundais des Affaires étrangères, Shingiro Albert, et en présence du président français S.E. Emmanuel Macron (pays hôte), le Président du Burundi, S.E. Ndayishimiye Evariste, Général Major, a développé une argumentation subtile en sa qualité de représentant de l’Union africaine.
Avec ses 47 000 km de côtes répartis entre 39 États côtiers, 6 nations insulaires et 16 pays enclavés dépendants des corridors maritimes, le continent affirme sa vocation maritime. “L’économie bleue que nous promouvons doit être durable, inclusive et surtout résiliente face aux déséquilibres globaux“, a déclaré le leader burundais, soulignant comment les littoraux constituent un enjeu vital pour toute l’Afrique, y compris les pays sans accès direct à la mer comme le Burundi.
Ce plaidoyer apparemment consensuel cache cependant une critique acerbe. Le projet onusien sur les Océans reste marqué par la Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale (GUAN) [1], cette ambition géopolitique aujourd’hui en déclin depuis la guerre en Ukraine et les récentes évolutions aux États-Unis. Pour l’Afrique dont le Burundi, les architectures internationales actuelles perpétuent des rapports de force hérités du colonialisme.
Cette position s’enracine dans une résistance multiséculaire. Depuis le XIXe siècle, les Barundi sont en guerre contre ce qu’ils nomment « la Croix et la Bannière » [2] – l’alliance entre le Vatican et les puissances coloniales (France, Angleterre, Allemagne, Belgique, États-Unis). Ces forces ont systématiquement détruit leurs systèmes traditionnels : la Vérité (Ubungoma, cosmologie sacrée du tambour Karyenda), l’organisation politique (Ingoma) et l’économie autosuffisante (Ubumu) [3].
Aujourd’hui encore, le Burundi se considère “enchaîné dans un État néocolonial“, créant une tension palpable entre sa participation aux instances internationales et son rejet des structures dominantes. La présence à cette conférence même est à la fois une nécessité et un paradoxe. La véritable économie bleue africaine devrait s’inspirer des principes de l’Ubungoma plutôt que des modèles occidentaux.
Cette intervention du Président du Burundi illustre le dilemme africain contemporain : comment participer à la gouvernance mondiale tout en restaurant des systèmes autochtones ? Le Burundi mène ce combat sur deux fronts – pour une justice océanique globale et pour son autodétermination nationale. Un équilibre fragile qui exige de naviguer entre les eaux internationales et nos fleuves ancestrals.
Références :
[1] Nahimana Karolero Pascal, La guerre civile du Burundi (1993-2003). Face à la Globalisation unipolaire américaine néolibérale, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
[2] Baranyanka Charles, Le Burundi face à la Croix et à la Bannière, Bruxelles, 2015.
[3] Nahimana Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et l’Etat millénaire africain – Ingoma y’Uburundi –, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
DAM, NY, AGNEWS, https://burundi-agnews.org, Mardi 10 juin 2025 | Photo : Ntare Rushatsi House