Burundi : 1964–2025, Kamatari Esther — Souvenons-nous de Muganwa Kamatari Ignace, mon papa

Le 27 mai 1964, Muganwa Kamatari Ignace tombe, symbole d’Ingoma y’Uburundi, anéanti par les puissances néocoloniales.

Paris (France), 27/05/2025 — Il y a soixante et un ans jour pour jour, le 27 mai 1964, tombait Muganwa (Prince) Kamatari Ignace, frère du Mwami (Roi) d’Ingoma y’Uburundi, Mwambutsa Bangiricenge. Ce mardi, sa fille, l’Ambassadrice itinérante du Burundi la Princesse Kamatari Esther, a partagé sur son compte X un hommage poignant à ce père qu’elle décrit comme “un homme géant, généreux, respectueux, épris de son pays et profondément attaché à sa jeunesse”. Pour elle, sa lumière ne s’est jamais éteinte. Elle continue de briller dans nos mémoires et nos valeurs. Aujourd’hui encore, son souvenir reste vivant, et son héritage, une source d’inspiration. Il repose désormais aux côtés de son neveu Muganwa Rwagasore, héros national du Burundi.

Ce message ravive une mémoire plus vaste : celle d’un pays blessé. Entre 1959 et 1972, le Burundi a été secoué par de profonds bouleversements. Sous l’influence des États-Unis, du Vatican, de la France et de la Belgique, un projet politique se met en place pour démanteler Ingoma y’Uburundi, l’État traditionnel barundi millénaire, et son système économique et social, Ubumu [1]. Ce démantèlement visait à faire place à une République de type occidental ( un état néocolonial ), imposée comme une dictature militaire, fondée sur une économie de marché étrangère aux réalités du pays.

Pour y parvenir, les élites traditionnelles furent systématiquement ciblées. Entre 1959 et 1965, des génocides frappèrent les Baganwa, les Bataka et les Banyamabanga. Muganwa Kamatari Ignace fut l’une des nombreuses victimes de cette politique d’élimination, tout comme les Baganwa : Rwagasore, Ntidendereza, Birori, les frères Ntakiyica, ou Nahimana Antoine ( cfr. Génocide des Baganwa Barundi ). Le point culminant de cette tragédie fut la tentative manquée d’assassinat du Mwami (Roi) Mwambutsa Bangiricenge en 1965, puis le régicide du Burundi réussi avec l’assassinat du Mwami Ntare Ndizeye en 1972.

C’est ainsi qu’une époque prit fin, balayée sans ménagement : celle d’Ingoma y’Uburundi, cet État millénaire façonné par les Barundi, porteur d’une vision singulière du monde, enracinée dans l’Ubungoma. En son cœur, battaient des principes d’équilibre, de justice et de lien sacré avec le vivant. Mais tout cela fut emporté par la vague d’un ordre venu d’ailleurs — un ordre néocolonial qui imposa ses structures, sa logique et ses blessures. Des blessures qui, aujourd’hui encore, peinent à cicatriser. Oui, le Burundi continue de faire “face à la croix et à la bannière” ( Vatican, France, Angleterre, Allemagne, Belgique, USA) [2].

Références :
[1] Nahimana Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
[2] Baranyanka Charles, Le Burundi face à la Croix et à la Bannière, Bruxelles, 2015

DAM, NY, AGNEWS, https://burundi-agnews.org, Mardi 27 mai 2025 | Photo : Princesse E.KAMATARI

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