Dossier Afrique des
Grands Lacs
Burundi : Le GENOCIDE de
1965
Source: UBUNTU-ACTION
Case Postale 511
1219 Chatelaine - Genève Suisse
|
-
AVANT
- PROPOS: Halte
à la falsification de l'histoire! .........................................................
1
I.
Génocide et crimes contre l'humanité: définitions...............................................................
1
1.
1. Le génocide..............................................................................................................
1
1.2.
Les crimes contre l'humanité .......................................................................................
2
1.3.
Répression et imprescriptibilité ....................................................................................
2
1.4.
Le génocide hutu de 1965 ...........................................................................................
2
II.
Phases préparatoires du génocide de 1965.......................................................................
3
2.
1. La planification .........................................................................................................
3
2.1.1.
Le renversement de la monarchie .............................................................................. 3
2.1.2.
L'élimination des élites hutu ....................................................................................
5
2.1.3.
La consolidation du capitaine Michel Micombero ..........................................................
6
2.2.
Le levier des élections du 10 mai 1965..........................................................................
6
2.2.1.
Le verdict des urnes ................................................................................................
6
2.2.2.
Commentaire des résultats .......................................................................................
8
2.3.
Réactions contrastées ................................................................................................
8
2.3.1.
Dans les milieux tutsi ..............................................................................................
8
2.3.2.
Dans les milieux hutu ............................................................................................
11
2.4.
Déclenchement :
la nuit du 18 Octobre
.......................................................................
13
2.4.1.
Le fil des événements ...........................................................................................
13
2.4.2.
Les auteurs du coup ..............................................................................................
14
2.
5. Exécution en règle d'un génocide ...............................................................................
16
2.5.
1. Note préliminaire .................................................................................................
16
III.
Qualification des crimes..............................................................................................
23
3.1.Génocide
.................................................................................................................
23
3.
2. Crimes contre l'humanité ..........................................................................................
23
3.2.1.
Arrestations arbitraires ...........................................................................................23
3.2.2. Emprisonnements
arbitraires, tortures et autres traitements inhumains ........................ 23
3.2.3.
Exécutions sommaires ...........................................................................................
24
IV.
Les responsabilités ....................................................................................................
26
4.
1. Micombero Michel ....................................................................................................
26
4.2.
Simbananiye Artémon ...............................................................................................
26
4.
3. Autres criminels notoirement impliqués ......................................................................
27
4.4.
Le roi Mwambutsa Bangiricenge ..................................................................................
28
V.
Les victimes ..............................................................................................................
28
5.1.
Un massacre d'innocents ..........................................................................................
28
5.2.
Identification ..........................................................................................................
28
5.2.1.
Hiérarchie de l'hécatombe ......................................................................................
28
5.2.2.
Quelques illustres disparus .................................................................................... 30
VI.
Impunité des auteurs du génocide de 1965 ...................................................................
31
|
ANNEXES
.........................................................................................................................................
32
ANNEXE
I : Témoignages
et analyses inédits .........................................................................................................
32
Annexe
II : Les
illustres victimes du tribalisme ......................................................................................................
34
Annexe
III :
Officiers de l'armée burundaise au 01-10-1965 ............................................................................
35
Annexe
IV: Le discours de Gervais NYANGOMA du 1e` juillet 1965 .......................................................
37
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- 1-
Le
génocide de 1965
Source:
Ubuntu -
Action
Case
postale 511
1219 Châtelaine
/Genève
Suisse
"O
notre Burundi, terre rouge d'Afrique, terre rouge de notre sang, de nos
plaintes et de notre détresse. Terre aux
égorgements suivis de silence, aux morts trop nombreux à compter. Terre
qui est en nous et nous qui sommes
en cette terre". Nadine
NYANGOMA
AVANT
-
PROPOS:
Halte à la falsification de l'histoire!
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L'histoire
du Burundi a été délibérément falsifiée par certains auteurs
burundais et étrangers mus par des intérêts sectaires
non avoués. On fait état notamment d'une école
"franco-burundaise" qui a imposé aux filles et fils du pays
un enseignement truffé de mensonges grossiers sur leur histoire
nationale.
Le
régime du major Buyoya s'est inscrit dans cette même logique depuis le début
des années 90. En mal de légitimité
après les massacres de Ntega-Marangara, ce régime a vulgarisé une prêche
au niveau de toutes les couches
de la population. Le sanguinaire avait fait confectionner pour la
circonstance une curieuse "Bible" intitulée
" Rapport
de la Commission Chargée d'étudier la Question de l'Unité
Nationale". Aujourd'hui, les auteurs
les plus zélés de ce "chef-d'oeuvre" le récusent sans état
d'âme (1).
L'exemple
le plus flagrant de cette manipulation éhontée de l'histoire est offert
par l'interprétation des événements
d'octobre 1965. La version vulgarisée a repris les thèses du pouvoir de
l'époque qui avait organisé un
génocide contre les hutu.
Avec
le recul du temps, des analyses pertinentes ont montré que la
fameuse tentative de coup d'Etat militaire hutu
relève d'une pure machination de ce pouvoir. De même que la thèse du
soulèvement anti -
monarchiste de la part des hutu. Les
événements de la nuit du 18 au 19 octobre avaient été conçus par le Secrétaire
d'Etat à la Défense Nationale, le Capitaine Michel MICOMBERO, en
connivence avec son entourage ethnico-clanique,
dans le cadre d'un vaste plan machiavélique. Ce plan, élaboré de longue
date, prévoyait l'accaparement
et le monopole du pouvoir au profit de ses concepteurs. Sa matérialisation
supposait d'abord le renversement de la monarchie, la décapitation des élites
hutu ensuite, et enfin le massacre des populations hutu à
grande échelle. De ce point de vue, le coup d'Etat de la nuit du 18
octobre 1965 a brillamment réussi et ses planificateurs
ont récolté les dividendes escomptés, à savoir le pouvoir et les
avantages qu'il procure. Aujourd'hui,
cette thèse s'est imposée par l'évidence des faits comme étant la plus
plausible. Les événements de
1965 ont été sciemment entourés de mystères pour masquer toute réalité.
L'objectivité interdit désormais de parler
de coup d'Etat militaire avorté.
Le
génocide de 1965 a laissé des cicatrices douloureuses et indélébiles.
Les auteurs de cette tragédie sont connus.
C'est certainement le peuple burundais tout entier qui a été ulcéré.
Il a le droit de connaître ces criminels.
Les nombreuses victimes ont l'obligation, pour leur dignité et l'intérêt
des générations futures de connaître la vérité et de rétablir
les circonstances de disparition des leurs, afin d'honorer leur mémoire. Les
crimes contre l'humanité sont par définition imprescriptibles. Les
auteurs de la tragédie de 1965 doivent être
poursuivis. C'est à ce prix que la Paix, la Justice et la Démocratie régneront
au Burundi. Malheureusement, les
structures judiciaires actuelles n'inspirent pas confiance aux victimes.
Mais cela ne devrait pas les décourager dans
leur quête de justice. Le combat sera peut-être long et hardi mais la
Raison et le Droit finiront par triompher.
I.
Génocide et crimes contre l'humanité: définitions
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1.
1. Le génocide
Beaucoup
d'études et d'analyses ont été menées sur le concept de génocide. Le
concept est mieux cerné dans une
approche multidisciplinaire faisant appel notamment au droit, à la
philosophie et à la psychologie .
|
-2-
Cependant,
pour tout essai, la référence reste la Convention du 9 décembre 1948
pour la Prévention et la Répression du
crime de Génocide adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies
spécialement en ses articles
II et III:
"Article
II
Dans
la présente convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des
actes ci-après, commis dans l'intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou
religieux, comme tel: Meurtre de membres du groupe;
Atteinte
grave à l'intégrité physique ou mentale des membres du groupe;
Soumission
intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner
sa destruction physique totale ou
partielle;
Mesures
visant à entraver les naissances au sein du groupe;
Transfert
forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.
Article
III
Seront
punis les actes suivant:
le
génocide
l'entente
en vue de commettre le génocide
l'incitation
directe et publique à commettre le génocide la
tentative de génocide
la
complicité dans le génocide
Les
critères majeurs de définition d'un génocide sont donc la
planification, l'intention criminelle, le meurtre de membres d'un groupe
donné visés cogime tel, la déshumanisation des victimes, l'emploi des
structures et des moyens de l'Etat, la négation.
1.2.
Les crimes contre l'humanité
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Les
crimes contre l'humanité ont été définis dans le Statut du Tribunal
Militaire international de Nuremberg du 8
août 1945 et confirmés par les résolutions 3 (I) et 95(1) de l'Assemblée
générale de l'ONU en date du 13 février
1946 et 11 décembre 1946. Ce sont les crimes commis en temps de paix
comme en temps de guerre dans le
cadre d'une attaque généralisée et systématique dirigée contre une
population civile quelle qu'elle soit, en raison
de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse:
assassinat, extermination, réduction en esclavage, expulsion,
emprisonnement, torture, viol, persécution pour des raisons politiques, raciales
et religieuses et autres actes inhumains ou tout acte inhumain qui porte
gravement atteinte à l'intégrité physique
ou mentale, à la santé ou à la dignité humaine.
1.3.
Répression
et imprescriptibilité
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La
répression du génocide est inscrite dans l'article IV de la Convention
du 9 décembre 1948. Cet article stipule que
"Les
personnes ayant commis le génocide ou l'un quelconque des actes énumérés
à l'article III seront punis, qu'elles
soient des gouvernements, des fonctionnaires ou des particuliers".
Un
autre instrument juridique international intéressant est la Convention
sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, qui, dès son premier article
stipule que ces crimes ainsi que le génocide sont justement
imprescriptibles.
1.4.
Le génocide hutu de 1965
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Le
génocide hutu de 1965 a été reconnu par la Communauté internationale.
Il est explicitement cité dans le Rapport
du Conseil économique et Social des nations Unies du 2 juillet 1985,
communément dit "Rapport Whitaker".
Ce rapport reconnaît qu'en matière de génocide,
"le
XXè siècle se distinguait par le fait que ce crime est commis de sang
froid, sur ordre donné délibérément par
les détenteurs d'un pouvoir politique despotique et que ses auteurs
emploient toutes les ressources de la
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-3-
technologie
et de l'organisation actuelles pour exécuter complètement et systématiquement
leurs plans meurtriers. L'aberration nazie n'est malheureusement pas le
seul cas de génocide au XXè siècle. On peut rappeler
aussi le massacre des Hereros en 1904 par les Allemands, le massacre des
Arméniens par les Ottomans
en 1915-1916, le pogrom ukrainien de 1919 contre les Juifs, le
massacre des Hutus par les Tutsi
au
Burundi en 1965
et
en 1972... Le groupe des victimes peut en fait être soit minoritaire,
soit majoritaire
dans un pays; ainsi les Hutu du Burundi".
Le
même rapport s'interroge plus loin si le génocide sélectif commis au
Burundi est fondamentalement d'inspiration
politique ou d'inspiration ethnique.Tels sont les termes du rapport
onusien sur les massacres des hutu en 1965.
Mais
pour le cas d'espèce, il est déplorable qu'à ce jour, aucun rapport
d'expertise internationale ou aucune étude scientifique
systématique n'ait été menée. Ses auteurs ont su manipuler à leur
profit la communauté internationale.
Le Conseil de Sécurité de l'Organisation des nations Unies devrait être
conséquent avec lui même et
mettre sur pied un Tribunal Pénal International pour punir les auteurs de
ce génocide et de ces crimes contre l'humanité.
II.
Phases préparatoires du génocide de 1965
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2.1. La planification
Le
génocide des hutu de 1965 n'a pas été un fait du hasard. Il a été
minutieusement préparé et longuement mûri. Selon
ses concepteurs, il ne s'agissait nullement de pure haine mortelle envers
les hutu. L'objectif visé était l'accaparement
et la monopolisation du pouvoir au profit d'un clan, et d'une région. Même
certains tutsi ont été abusés
face à ce plan, car le péril hutu n'était finalement qu'un alibi. Les
obstacles majeurs à la réalisation de cette
ambition était de deux ordres. D'abord la vieille monarchie sacrée, séculaire
et héréditaire au pouvoir; ensuite les élites hutu qui revendiquaient
l'instauration d'un système démocratique. Le planificateur devait déployer
sa stratégie pour enrayer ces deux obstacles.
2.1.1.
Le
renversement de la monarchie
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Le
renversement de la monarchie par l'armée du capitaine Michel Micombero a
été effectif en novembre 1966. La
matérialisation de l'acte a largement bénéficié des conditions
offertes par le massacre des élites hutu une année
plutôt. Ce renversement avait été préparé de longue date par des
campagnes politiques et médiatiques, ainsi que par de multiples complots.
a.
Un courant anti-monarchiste sciemment entretenu
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Le
courant anti-monarchiste était vivace dans les milieux intellectuels
tutsi, " la jeune classe bureaucratique". La Jeunesse Nationaliste Rwagasore (JNR), dès sa création par de jeunes
turcs hima, Prime Niyongabo et Gilles Bimazubute
était résolument anti-monarchiste et son affiliation à l'UPRONA a été
précédée d'âpres négociations à
cause de son radicalisme sur la question. A côté de la JNR, les divers
mouvements syndicaux issus de ces mêmes milieux se ralliaient à cette idéologie.
C'est le cas du SAAB (Syndicat des agents de l'administration du Burundi). Ce mouvement joua un rôle politique et syndical important.
Dirigé par les premiers universitaire, il
se convertit rapidement en un mouvement politique d'opposition à la
monarchie à côté de la FTB (Fédération des
Travailleurs du Burundi), de la JNR et de l'Uneba (l'Union des Etudiants
Barundi). Ces organisations vont accréditer
dans l'opinion le principe républicain. C'est d'abord l'Uneba qui, dans
son congrès de 1963 tenu à Bujumbura,
critiqua sévèrement l'institution monarchique et proposa de remplacer la
devise du parti: Dieu, roi, patrie, par celle de unité, travail,
progrès... Gilles Bimazubute comptait parmi les principaux idéologues de
ce courant, s'exprimant dans les
colonnes de la revue belge de gauche "Remarques africaines". Il
ne cessait de vilipender la monarchie et de réclamer à cor et à
cri l'avènement de la République La monarchie subissait plusieurs
assauts en règle de la part des intellectuels tutsi notamment parce
qu'elle ne se prêtait pas toujours à leur
jeu. Cela a été vu lors de la première et de la deuxième nomination de
feu Pierre Ngendandumwe à la primature.
Des complots dirigés contre elle vont être déjoués à plusieurs
reprises. L'ancien premier ministre Nyamoya Albin, à la suite de
ses déboires politiques, s'impliquait à fonds dans ces complots. Le
capitaine
|
-4-
Albert
Shibura avait fomenté, à 2 reprises, mais sans succès une jacquerie
dirigée contre le mwami Mwambutsa, notamment
en date du 11 octobre, et écopé d'une incarcération.
"Après
les deux premiers coups de force manqués, les tutsi soupçonnés
accusaient les hutu pour se décharger sur
eux, mais surtout pour brouiller les pistes parce qu'ils savaient qu'ils
préparaient un autre coup d'Etat qui visaient
non seulement le renversement de la monarchie, mais aussi à
l'extermination de l'élite hutu". En
conclusion, non seulement l'autorité de la monarchie était profondément
sapée, mais aussi, physiquement, la vie du roi Mwambutsa était constamment en danger. L'opinion
sciemment répandue par ceux-là mêmes qui l'ont chassé du trône à leur profit, est qu'il était un roi illettré,
irresponsable, aimant la vie facile et l'argent, raison qui expliquerait ses longs séjours à l'étranger. Mais à la lumière
des événements, il craignait pour sa propre
sécurité. Ainsi donc, affirmer qu'il y a eu une tentative de coup d'Etat
anti-monarchiste de la part hutu relève
d'une pure affabulation. Le roi Mwambutsa lui-même le reconnaît dans une
interview accordée aux Remarques africaines en ces termes: "Les
hutu de Muramvya en particulier qui me sont traditionnellement attachés
- c'est parmi eux que se
trouvent les gardiens séculaires des tambours royaux - se
sont révoltés à l'annonce de
l'attentat contre ma personne qu'ils ont attribué aux tutsi.... "
Peut-on
dès lors prétendre être plus royaliste que le roi
Egalement
lors de ce fameux coup d'Etat, le roi aurait été épargné par deux
militaires hutu, à cause de croyances traditionnelles
à en croire J. Ziégler: "deux
officiers parvinrent néanmoins jusqu'aux appartements privés du roi,
situés au premier étage du palais. Ils ouvrirent une porte et se trouvèrent
nez à nez avec le roi. A la vue du
mwami, les deux officiers baissèrent leurs armes et s'enfuirent saisis de
terreur... "
Cette
assertion selon laquelle des militaires hutu ont refusé de plein gré l'élimination
physique du roi est étayée par
le sinistre Albert Shibura qui affirme que les commanditaires avaient
interdit de tuer Mwambutsa, et que c'est
vraisemblable, car les mutins qui gardaient le Mwami n'ont pas tiré sur
lui. Mais seulement pour les planificateurs
du coup d'Etat, il fallait imputer la responsabilité des faits aux hutu.
Cela pour justifier aux yeux de
la masse ignorante les massacres, car, dans la société traditionnelle,
ceux qui attentaient à la vie du roi étaient dits
"abamenja" et frappés de peine de mort sans autre.
b.
La stratégie d'infiltration de la cour
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MENU
Parallèlement
à ces manoeuvres ci-haut décrites, le capitaine MICOMBERO et ses
acolytes ont réussi brillamment
à infiltrer la couronne pour la miner de l'intérieur.
"Pour
gagner la confiance du roi Mwambutsa, Micombero est l'homme qui n'aurait
pas hésité à vendre sa mère
pour les besoins de cette cause. Complexé par son appartenance au clan
hima, le plus honni de tous par la
monarchie, Micombero sera poussé à tous les excès de zèle et comme
dans tous les cursus d'aliénation auto-entretenue,
Micombero se livrera à tous les excès imaginables en criminel conscient,
en éternel frustré et
parvenu qui veut prouver sa toute puissance...
A
la cour périssante de Mwambutsa Bangiricenge, Micombero se fit plus que
courtisan pour faire oublier ses origines
hima: il se fit clown... A chacune des invitations qui lui ouvraient les
portes de la cour, Micombero arrivait en tête d'un petit peloton et se
livrait à un petit défilé démonstration avant d'aller saluer le roi
mille courbettes à l'appui...
Les
intrigues qui présidaient au contrôle du pouvoir se déroulaient
ailleurs, derrière le roi, trop fainéant pour s'occuper
des affaires de l'État. Il était devenu une simple marionnette. La
clique à Micombero l'avait bien compris
:
Micombero épousera une nièce du roi Mwambutsa, tandis que son ami
Shibura épousera la fille du très puissant Muhirwa, lui-même gendre du
roi. Leur fulgurante ascension ne fut due ni au mérite personnel, ni
à une quelconque loterie ... mais
uniquement au succès du plan d'infiltration de la monarchie finissante
pour la miner de l'intérieur"
En
courtisan habile, avisé des traditions aristocratiques, Micombero' était
parvenu à un rang comparable, si pas supérieur
à celui des princes, comme en témoignent les extraits suivants d'une
conversation entre lui et le souverain:
-
"Tu es
mon meilleur fils, bien que tu ne sois pas mon fils"
-
"Si ce n'était votre majesté, je ne serais jamais arrivé là où
je suis, moi qui ne suis pas prince et que bien des princes envient. Ma place ne tient qu'à voire ombre. Sans votre secours
permanent, bien des jaloux m'auraient déjà
écarté"
-
"Mirombo (Micombero)
mon
fils, tu m'es plus précieux que nies propres princes qui dans l'échauffement
général des esprits sont bien capables de profiter de toutes les
occasions pour me piquer la place. Avec leur sang
royal dans les veines, se croient déjà tout permis. "
|
-5-
Cette
naïveté du souverain a été fatale à la monarchie.
Alors
que Micombero, selon
ses propres termes
maîtrisait la
situation, il s'empressa d'exiler définitivement
le roi,
toujours
sous des airs
doucereux, rappelant le
Renard et le Corbeau de LaFontaine:
"Si
votre majesté permet, je crois qu'il serait mieux de fuir au plus vite.
Inutile d'exposer notre précieux
roi... La barque vous attend sur le lac. De là, les Belges vous aideront
jusqu'au Congo"
La
partie était partiellement
gagnée,
car le premier ministre, le prince Bihumugani Léopold, une autre création
politique
de la monarchie,
avait
été grièvement blessé au cours des attaques et évacué d'urgence dans
les hôpitaux
d'Europe. Du coup également,
Micombero accédait
à un arsenal militaire important que le roi avait emmené
et
stocké au palais à son retour d'Europe, sentant son
pouvoir
chancelant.
Dès
lors, tous les moyens lui
étaient assurés pour la poursuite de leur plan machiavélique.
2.1.2.
L'élimination
des élites hutu
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Les
élites
hutu constituaient un
obstacle de
taille dans la course effrénée des extrémistes tutsi vers un pouvoir sans
partage. Ces élites, issues d'une masse longtemps asservie, dominée,
exploitée, humiliée aspiraient à l'instauration
d'un régime démocratique. Ces revendications
étaient
incompatibles avec le plan
du clan Muhirwa,
Ntiruhwama, Micombero,
Simbananiye et
consorts. Pour ces derniers, toute solution passait par le rabotage de ces
élites. Le premier ballon d'essai remonte
à
janvier 1962 avec les massacres de
Kamenge qui ont décimé la
direction
des Syndicats Chrétiens et
du Parti du Peuple (PP). Les
assassinats de Monseigneur Gabriel Gihimbare,
évêque
auxiliaire de l'archevêché de Gitega en décembre 1964 et celui du
premier ministre Pierre Ngendandumwe
le
15 janvier 1965 sont à inscrire
dans
ce cadre.
Par ailleurs, un climat
de terreur, d'intimidation, d'exactions et d'assassinats ciblés étaient savamment entretenu,
notamment par la puissante machine
à
tuer de la JNR. Un
extrait de la conversation suivante
est
à ce sujet
éloquent: "Tu sais, ça va de plus en
plus mal. On en arrête de tous côtés. Souvent disparaissent. Famille
sans nouvelles. Paraît que Simon a été retrouvé
fou à la sortie de prison. Un petit flic l'avait ramassé chez lui sous
prétexte qu'il faisait de la politique. L'ont
torturé pendant que l'acolyte allait chez lui, piquer la radio et le pick
up. Pire encore, Antoine qui s'était faufilé
à l'intérieur pour faire sa propagande; une nuit où il se rendait chez
un ami, des Jeunesses ont surgi d'un
buisson, la lance à la main. Il avait l'habitude de passer par-là tout
seul et ils ont dû l'y attendre. Le copain
qui était resté à l'arrière pour pisser a eu le temps de filer quand
il a entendu l'autre hurler et les coups pleuvoir.
La nuit sont allés trouver la femme et lui ont remis les parties
sexuelles du mari en disant que ça serve de
leçons à tout les hutu qui feraient de la politique".
Le
plan
d'élimination des
élites hutu a été initialement attribué au Premier Ministre André
Muhirwa qui succède à ce poste au prince Louis Rwagasore assassiné le
13 octobre 1961. Sa nomination
violait
de manière flagrante la règle
de jeu démocratique, tout simplement
parce que l'ayant-droit, en
l'occurrence Pierre Ngendandumwe était
un hutu. Autour de Muhirwa, gravitaient des politiciens extrémistes qui
travaillent sur ledit projet, dont Nicayenzi
Zénon, secrétaire d'Etat à la Défense,
Ntiruhwama Jean, ministre de l'intérieur, l'officier Shibura Albert,
gendre du
premier ministre pour ne citer que ceux-là. Selon des sources sérieuses,
le plan visait l'exclusion des bahutu de tous les postes importants des rouages de
l'Etat
Ce
plan était devenu
un
secret de polichinelle. Pierre Ngendandumwe de son vivant en avait confié
les termes à
Gervais Nyangoma alors en poste de diplomate à New York: "Les tutsi
se préparent à un vaste massacre de hutu.
Des tracts anti-hutu circulent entre militaires et gendarmes tutsi. C'est
toujours le vieux plan Mirwa(Muhirwa),
le plan d'extermination des élites hutu. C'est le terrible Simba (Simbananiye)
qui
mène la danse. Tu vois vers quoi
on marche
Nous sommes dans la merde et
c'est pas drôle. En matière de
planification macabre, Muhirwa n'apparaîtra qu'un apprenti-sorcier
à côté du sinistre Artémon Simbananiye.
Le témoignage de Nadine Nyangoma,
une observatrice étrangère est très explicite à ce sujet: "Simba...,
sous une lampe blême, dressait furibond, des listes de noms, alourdissant
ainsi les rebords de son bureau
de sinistres rouleaux bouclés... Le terrible Simba, collé à son bureau
fatidique ne cessa d'oeuvrer à son plan machiavélique- Mirwa
n'est qu'un bricoleur, un bête artisan, jugea-t-il avec mépris tandis
qu'il étudiait le vieux projet
d'extermination des élites hutu. Ça ne sait pas travailler en grand, ça
a beau avoir le sang royal, tout ça, c'est de la vieille école. On n'en
ferait plus de pareille de nos jours. Et cet assassinat des syndicalistes! Une paille dans la brousse! C'est aussi bête que de couper
la tête de la mauvaise herbe sans même
tirer sur les racines. Non, c'est du travail systématique qu'il nous
faut, et qu'on ne les entende plus râler...
Pendant qu'il rêvait ainsi, il prenait du ventre, son nez s'allongeait
jusque sur son papier qui buvait
|
-6-
beaucoup
de sang hutu et qu'il pouvait ainsi humer avec plaisir. Ainsi, le plan était
implacablement tracé; l'encre
s'agitait fiévreusement, le tout se colorant d'armes, de souffrances et
de sang. Ça ne lui suffisait bientôt plus
de penser qu'un hutu de 25 ou 30 ans pouvait être un ennemi, un cadre
pour rebelles, car, il venait génialement
de découvrir qu'un enfant de 12 ans pouvait dans 10 ans être déjà un
ennemi à abattre et que par conséquent,
les premiers nettoyages devraient être bientôt être suivi d'un plus
profond travail si l'on veut éviter qu'un
jour les fils des pères ne deviennent comme les pères"
Des
listes des cibles hutu avaient été établis de longue date. Elles étaient
régulièrement mises à jour tant au niveau
de l'armée, que de l'administration centrale et territoriale. Certains
tutsi s'en vantaient et les brandissaient à
la barbe et au nez des hutu. Le plan d'extermination était établi pour
chaque province. Ainsi, pour la seule province
de Bujumbura la plus importante, le nombre de hutu à liquider s'établissait
à près de 1500. Et lors des purges,
pour chaque hutu tué en prison ou en dehors de la prison, le procureur du
roi, Ndabakwaje, faisait établir un
simple rapport et tenait une comptabilité des hutu déjà tués et de
ceux qu'il restait à liquider.
2.1.3.
La
consolidation du capitaine Michel Micombero
|
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Le
capitaine Michel Micombero n'a pas seulement joué un rôle capital dans
l'exécution des massacres des élites hutu,
mais également dans leur planification. On l'a déjà vu avec sa stratégie
d'infiltration de la cour. Nommé Secrétaire
d'Etat à la Défense Nationale dans le premier gouvernement Ngendandumwe
en date du 18 juin 1963, à l'âge de 23 ans, le jeune officier, muhima de
surcroît ne va rater aucune occasion pour consolider ses positions. L'arrêté
royal no 001/388 du 17 février 1964 portant organisation de l'armée
nationale dépouille la gendarmerie d'une
partie de sa mission en temps de paix et la subordonne à l'armée en tant
de crise: Art.2
L'armée nationale a pour mission principale la défense de l'intégrité
du territoire et comme mission secondaire
le maintien et l'établissement de l'ordre public.
Art.
3 Le secrétaire d'Etat est chargé de l'organisation générale et de
l'administration de l'armée nationale Art.
7Lorsque la gendarmerie et l'armée sont appelés, à intervenir ensemble,
le roi désigne un chef responsable pour
coordonner l'action des 2 forces. A défaut de désignation, la direction
des opérations incombe aux autorités
militaires.
Art.
8 En temps de guerre la Gendarmerie est placée sous l'autorité directe
de l'armée.
Le
capitaine Michel Micombero exerçait de fait une mainmise totale sur l'armée,
et une mainmise partielle sur la
gendarmerie. D'après de nombreuses analyses, cette expérience lui a
permis de se rendre compte des possibilités
dont il disposait pour s'emparer définitivement du pouvoir. Il créa à
la cour royale une sorte de cour parallèle composée essentiellement de
tutsi hima. Toutefois, deux grands obstacles se dressaient encore devant lui,
à savoir la monarchie qui jouissait encore d'une grande popularité et
les hutu numériquement majoritaires. Micombero
et son entourage allaient consacrer leurs efforts à la suppression de ces
deux obstacles. 1965 était pressentie comme une année décisive. Ainsi dès
le mois de janvier, on observe la mise en place d'un dispositif de
crise: Micombero place la gendarmerie sous ses ordres en faisant édicter
l'arrêté royal no 001/614 du 23 janvier
1965 fixant les responsabilités en cas d'intervention combinée de la
gendarmerie et de l'armée nationale: Article
unique: les autorités militaires sont responsables des opérations
lorsque la gendarmerie et l'armée nationale sont appelés à
intervenir ensemble lors des événements susceptibles de compromettre sérieusement
l'ordre public ou lors des troubles
graves et généralisés
Deux
mois après, il procède à une mobilisation générale de l'armée en
promulguant l'arrêté royal no 001/648 du
6 mars 1965 portant rappel sous les armes des militaires en congé illimité:
Articlel
Les militaires en congé illimité sont appelés sous les armes pour une
durée indéterminée. Article
2 Sont visés par le présent arrêté les militaires ayant quitté le
service actif en 1963 et 1964 Toutes
ces mesures n'étaient pas prises au hasard. Elles seront parachevées par
l'arrêté royal no 001/768 du 10 septembre
1965 portant nomination d'Artémon SIMBANANIYE au poste de Secrétaire
d'Etat à la Justice. Ce dernier
mettra en place, le 20 octobre 1965, un dispositif juridique pour
permettre des condamnations arbitraires et expéditives.
2.2.
Le
levier des élections du 10 mai 1965
|
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2.2.1.
Le
verdict des urnes
En
date du 10 mai 1965, des élections législatives ont été organisées à
travers tout le pays. Ces élections ont
|
-7-
été
gagnées par le parti UPRONA avec 21 députés sur les 33 et 12 sénateurs
sur 16. Le Parti du Peuple PP,
malgré
l'hécatombe subie en janvier 1962 avait pu reconstituer ses états-majors
et enlever 10 sièges. En termes
ethniques,
les hutu ont obtenu 23 sièges, dont 13 au sein de l'Uprona et les 10 du
PP. Au niveau du Sénat, les
hutu
sont au nombre de 10 sur 16.
Liste
des députés élus
Nom
+ Prénom
Circonscription Parti Ethnie
1.Mbazumutima -Cibitoke -PP -Hutu
2.Nyanguhira
Etienne -Bubanza-Indép.Hutu
3.Baredetse André-Kabezi-Uprona-Hutu
4.Karabagega Thimothée-Isale-Uprona-Hutu
5.Mirerekano
Paul-Bujumbura-Uprona-Hutu
6.Gahurura
Emmanuel-Cankuzo-Uprona-Tutsi
7.Mukoma Constance-Ruyigi-Uprona-Hutu
8.Ntahondi
Jacques-Rutana-PP-Hutu
9.Nyabisha
Eustache-Ngozi-Uprona-Hutu
10.Maderere Balthazar-Mubuga-Uprona-Tutsi
11.Mukasa
Joseph-Kanyinya-Uprona-Tutsi
12.Nyamoya Albin -Muyinga-Uprona-Tutsi
13.Gasimbo Sophonie-Buhiga-Uprona-Hutu
14.Ribakare
Ildephonse-Giheta-Uprona-Tutsi
15.Nkenyereye
André-Karuzi-PP-Hutu
16.Ntayera
Antoine-Bugendana-Uprona-Tutsi
17.Kanse Joseph-Gitega-Indép.Hutu
18.Bucumi
Emile-Makebuko-Uprona-Hutu
19.Bazahica
Tito-Bukirasazi-PP- Hutu
20.Mbonankize Zacharie -Kuntega-Uprona-Hutu
21.Mbanzamihigo Charles-Busiga-Uprona-Tutsi
22.Mbarushimana
Philippe-Ijene-PP-Hutu
23.Mayondo Patrice-Kayanza-PP-Hutu
24.Bihunguye
Patrice-Gahombo-Uprona-Tutsi
25.Ndikumagenge Salvator-Rango-Uprona-Tutsi
26.Nzobaza
Mathias-Muramvya-Uprona-Hutu
27.Baramburiye
Jean-Makamba-PP-Hutu
28.Ntiyankumwe Simon-Nyanza-Lac-PP-Hutu
29.Hakiza
Ephrem-Bururi-PP-Hutu
30.Benyaguje Emile-Kiganda-Uprona-Hutu
31.Ntagwarara
Antoine-Mwaro-Uprona-Tutsi
32.Bavakure
Wilson-Matana-PP-Hutu
33.Biyorero Ezéchias-Rumonge-Uprona-Hutu
Les
sénateurs élus
1.Bararyimare
Pie-Bubanza-Uprona-Hutu
2.Ndimanya Ignace-Bujumbura-Uprona-Hutu
3.Cimpaye
Michel-Gitega-Uprona-Hutu
4.Bamina Joseph-Muramvya-Uprona-Hutu
5.Baribwami
Sylvestre-Bururi-Uprona-Hutu
6.Bankumuhari Valentin-Ngozi-Uprona-Tutsi
7.Nkinziyinka Aloys-Muyinga-Uprona-Hutu
8.Nteyamanga
Jean-Ruyigi-Uprona-Hutu
Les
sénateurs désignés par cooptation
1.Muhirwa André Tutsi
2.Muhakwanke
Mathieu-Hutu
3.Nuwinkware P. Claver-Hutu
4.Siniremenra Appolinaire-Hutu
|
-8-
Les
sénateurs désignés par le roi
1.Nkeshimana Gaspard Tutsi
2.Bigumaguma
JosephTutsi
3.Bankanuriye Pascal Hutu
4.Binyagaga-Tutsi
2.2.2.
Commentaire
des résultats
|
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Les
élections du 10 mai ont été une victoire pour la démocratie. Elles se
sont déroulées dans un climat serein en
dépit de la mémoire fraîche de l'assassinat du Premier Ministre hutu
Pierre Ngendandumwe. Des observateurs
et acteurs objectifs ont parlé de victoire populaire, de vote exemplaire.
Telle est l'appréciation du Ministre
des Affaires Etrangères et du Commerce Extérieur de l'époque: 'A
mon
avis..., le peuple murundi vota pour
l'unité. En effet, c'est l'Uprona, le parti de l'unité qui fut
vainqueur. Il obtint 23 sièges sur 33, soit 73 %. Et
12 sièges sur 15 au Sénat, soit 80%. Quant aux tutsi, ils avaient 30% à
la chambre et 40% au sénat. Sur les dix
sièges enlevés par les indépendants, il n'' avait pas un seul tutsi, et
ce, pour une raison bien précise: les tutsi
s'étaient tous présentés sous la bannière de l'uprona. Les indépendants
étaient plutôt issus de l'ancien parti hutu, le parti du peuple, balayé
par l'Uprona lors des élections de septembre 1961. Notons qu'aucune
circonscription électorale ne comptait une majorité absolue de tutsi, ce
qui revient à dire que les 10 députés tutsi avaient été par
une majorité hutu. Certains furent même élus avec 80% des suffrages. D'autre
part, dans certaines circonscriptions à forte population tutsi, des députés
hutu remportèrent un nombre impressionnant de voix".
2.3.
Réactions
contrastées
2.3.1.
Dans
les milieux tutsi |
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a. Stupéfaction totale
Malgré
la clarté et l'évidencedes résultats, les extrémistes tutsi furent
stupéfaits. Pour ces derniers, la campagne ayant
été ethnisée, les résultats ne pouvaient n'être que ethniques. Et
dans la logique des choses, ces résultats furent jugés inacceptables,
car, les hutu, composante majoritaire de la population burundaise (85%) réduite
à un asservissement séculaire, ont eu
le plus grand nombre de sièges! Ainsi a pu s'exclamer un contemporain des
événements, pourtant réputé
en d'autres circonstances pour son objectivité: "Le
résultat est stupéfiant: sur les 33
sièges à pourvoir (on a décidé de réduire de moitié le nombre de
parlementaires pour mieux les contrôler), 23
sont hutu et 10 seulement sont tutsi! Vingt-trois députés hutu et 10
tutsi seulement! C'est un crime cela... Le
peuple burundais vient de commettre un crime collectif et il ne tardera
pas à le payer cher. Thaddée Siryiyumunsi
lui-même n'a pas été élu! Il a dû s'incliner devant un candidat hutu
des plus inconnus sur la scène politique- mais qui a justement le
privilège d'être né hutu. Au sénat, les hutu sont majoritaires. A
l'assemblée législative, le nouveau
président (Émile Bucumi) ainsi que le premier vice-président (Paul
Mirerekano) et le 2' vice-président (Patrice Mayonde) sont tous hutu. Ces
gens-làviennent de prendre le pouvoir sans tirer un seul coup de fusil!
La démocratie, quoi...
Justement,
au Burundi, la démocratie fait peur à la classe politique tutsi qui,
malgré la faible représentation numérique
de sa communauté tient à monopoliser de manière indue le pouvoir.
b.
Raisons du désarroi des extrémistes
|
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La
stupéfaction des tutsi s'explique. A la veille de ces élections, ,
des balises avaient été établies sur
le plan institutionnel, pour que
les tutsi du groupe Casablanca puissent s'assurer une majorité
substantielle dans les urnes.
L'assassinat du Premier Ministre Pierre Ngendandumwe ne les avait pas
politiquement arrangés. Le Monronvia, son groupe, bloquait et paralysait
l'action du Parlement et du Gouvernement. Les leaders tutsi conseillèrent
au roi de dissoudre d'abord le parlement qui leur faisait obstacle. Aux
termes de l'Arrêté Royal no 001/644 du 3 mars, le parlement fut dissous.
Le 29 mars, un nouveau code électoral taillé sur mesure fut publié par
l'Arrêté Royal no 001/685, sans aucune possibilité de censure
parlementaire. Le code électoral stipulait qu'en
cas
de dissolution du Parlement, de nouvelles élections devaient avoir lieu
dans les 60 prochains jours.
|
-9-
Les
élections
normalement prévues pour le mois de septembre (les dernières en date ont
avaient eu lieu le 1) septembre
1961) furent ainsi avancées pour le 10 mai.. Par ailleurs
"Trois
éléments frappent dans ce code: la réduction de moitié du nombre de
parlementaire sans qu'aucune loi y
relative n'ait été votée au sein de la même assemblée; pour mieux la
contrôler, la soustraction des fonctionnaires
attachés au cabinet du roi ou à son service personnel du jeu électoral
(initiative qui laisse entrevoir
des intentions cachées de la part de la couronne et du législateur).
Enfin la cooptation de 4 sénateurs ainsi
que la désignation de 4 autres par le mwami laissait la porte ouverte aux
abus de l'assemblée nationale et
du souverain qui allaient inévitablement cherché à jouer sur des
proportions en toute subjectivité" Le
31 mars, le gouvernement Bamina fut démis de ses fonctions. Les affaires
courantes seront expédiées par les
Directeurs généraux des ministères. Les Secrétaires d'Etat à la Défense
et à la Justice qui dépendaient elles, de
la Cour gardèrent leurs prérogatives. De même, les emprisonnements consécutifs
à l'assassinat du Premier Ministre Pierre Ngendandumwe avaient frappé de
plein fouet la classe politique tutsi. Ainsi, ses éléments les plus
actifs végétaient dans les geôles. Ils furent tous libérés pour se présenter
aux élections. Le pauvre peuple dut
élire des bourreaux son vaillant leader! Ainsi le cerveau de ce crime, à
savoir Albin Nyamoya fut élu en circonscription de Muyinga, tandis que
Valentin Bankumuhari était élu sénateur à Ngozi !
Par contre, des personnalités hutu en vue telle Paul Mirerekano furent frappées de
tracasseries. Selon le Professeur A. Nsanze, Un des faits marquants de ce climat
malsain est que, quand le leader hutu Paul Mirerekano, alors réfugié au Rwanda
a posé sa candidature, les deux secrétaires d'Etat se sont entendus pour
le faire condamner en son absence
à 20 ans de prison par un Conseil de Guerre pour qu'il soit frappé d'inéligibilité
par l'article 9 du nouveau code
électoral"
Il
sera évidemment gracié dans le cadre d'une amnistie générale
impliquant les présumés assassins du Premier Ministre Pierre
Ngendandumwe.
c.
Revirement politique: alliance tactique avec la Couronne
|
MENU
Devant
cette victoire inattendue des hutu aux élections, les milieux extrémistes
tutsi durent réajuster leurs stratégies.
Les invectives envers la monarchie furent momentanément stoppées devant
le nouveau danger de l'invasion
politique des hutu. Ainsi s'explique le volte-face stratégique de l'Uneba
dont on connaissait pourtant l'attitude
farouchement anti-monarchiste: "L'Uneba
condamnera ces élections et conviera le roi à jouer un rôle politique
dynamique. Face à la majorité parlementaire hutu qui rend désuet le jeu
de bascule entre 2 fractions du
Parlement, L'Uneba abandonne les institutions parlementaires qu'elle avait
âprement défendues lors des précédants
Congrès et se tourne vers le roi, qu'elle considère malgré les
immixtions qu'elle lui avait reprochées,
comme le seul garant de l'unité nationale... "(61)
"L'Uneba
demandera également au roi de nommer un formateur intègre et qualifié
pouvant mettre sur pied un gouvernement
d'union nationale et de supprimer les 2 chambres si elles travaillent
comme la précédente législature
et à leur substituer un conseil législatif provisoire de citoyens intègres
et artisans de l'unité nationale"
Or,
l'Uneba constituait le creuset de l'intelligentsia tutsi. Mais cette
alliance n'est que tactique car l'Uneba ne jurait que par le renversement
du régime monarchique.
d.
Refus d'entériner les résultats des élections
|
MENU
Les
extrémistes tutsi, par la monarchie interposée feront tout pour écarter
de la scène politique le nouveau Parlement
issu des élections du 10 mai 1965 dont ils contestaient les résultats.
Une chronologie tout à fait indicative
montre un enchaînement de faits extrêmement troublant:
3
mars: Dissolution du Parlement
4
mars : Nomination
de la commission électorale
29
mars :
Publication d'une nouvelle loi électorale
31
mars: Démission du gouvernement Bamina
31
mars : Elargissement
des assassins du Premier ministre hutu Pierre Ngendandumwe 10 mai :
Élections législatives
ler
juillet :
Célébration du 4ème
anniversaire
de l'indépendance en l'absence du Mwami
17
juillet : Retour du Mwami de Genève avec un arsenal militaire
impressionnant
24
juillet : Message du roi: rejet de la constitution: mainmise sur les secrétariats
d'Etats
|
-10-
1er
septembre :
Nouvelle loi sur l'organisation
communale
10
septembre :
Nomination de Artémon Simbananiye Secrétaire
d'Etat chargé de la Justice
29
septembre: nomination de Léopold Bihumugani au poste de Premier Ministre
La
lecture de la chronologie ci-dessus montre les faits sciemment délibérés
dans l'optique de torpiller les résultats
des élections législatives et de faciliter et d'accélérer la réalisation
du plan de massacres des élites hutu. Ces
faits sont les suivants:
-
Un
vide gouvernemental sans précédent: de début mars à fin septembre, on compte sept mois de vide gouvernemental.
Pratiquement depuis l'éviction du gouvernement Nyamoya en décembre 1964,
la carence gouvernementale était totale. De plus pendant toute la
période électorale, le roi était absent du pays. Les extrémistes
tutsi mettent à profit cette situation de chaos politique et de
pourrissement pour se doter de pleins pouvoirs à travers les
rouages de l'Etat et de l'armée et affiner leur plan machiavélique.
Ainsi un auteur avisé affirme en titre que les quatre mois de carence de pouvoir ont été
quatre mois de complots:
"...Le
premier
a été celui-là même institutionnel qui a été réalisé, non sans
succès par la couronne. Le second a été l'oeuvre des extrémistes batutsi, qui a culminé dans les
massacres d'octobre - décembre
1965 pour aboutir aux résultats
complets le 28 novembre 1966.
En
face de ce qu'ils appelaient le 'péril hutu"de puis l'exercice de
Pierre Ngendandumwe, les extrémistes tutsi du groupe
casablanca n'ont cessé de consolider leur plan d'exterminer les bahutu.
Le vide politique de mai à sept. Leur
a donné une bonne occasion de mûrir ce plan, surtout qu'ils ont trouvé
2 autres facteurs favorables à
sa mise en application: la montée de l'armée et le ralliement de jeunes
intellectuels tutsi devenus politiquement plus influents.
Les
quatre mois d'absence du Mwami ont constitué une période clé pendant
laquelle le Secrétaire d'Etat à la Défense,
le capitaine Michel Micombero et le Secrétaire d'Etat à la Justice ...
ainsi que tous les directeurs généraux
remplaçant les ministres ont eu l'occasion de découvrir les faiblesses
de la monarchie. En supervisant les
élections en même temps que Léopold Biha, ils sont entrés dans les
secrets du pouvoir et ont constaté que le
pouvoir monarchique n'était assis que sur l'adhésion mystique du peuple
depuis des siècles. Les diverses fonctions politiques et
administratives, tout intellectuel pouvait s'arroger capable d'y
prendre part. Même la défense de la
nation, on pouvait l'assurer au détriment du roi, Il suffisait que les
jeunes gradés tutsi lui désobéissent.
La
suite des événements montrera que ce sont ces jeunes militaires et
intellectuels tutsi qui vont prendre la relève
pour réaliser le plan en utilisant l'armée et la Jeunesse Nationaliste
Rwagasore là où les dignitaires du casablanca
avaient échoué ...
Pour
réussir l'exécution du complot, il fallait d'abord déstabiliser la
monarchie, la supprimer même, car, quand bien même le roi aimait les
tutsi, il n'aurait pas accepté qu'on élimine systématiquement les hutu
tant qu'il avait encore
le pouvoir en ses mains. La réussite dans l'exécution du plan supposait
d'abord le renforcement du pouvoir
des jeunes extrémistes au détriment du roi. Ensuite l'on pouvait
organiser le massacre des hutu et mener
les opérations à terme, le mwami n'ayant aucune force à opposer face à
cette jeune génération."
-
Tentative
de retour à l'absolutisme royal: Cette
tentative est flagrante avec le discours du 24 juillet. Le roi, faisant
le jeu de son entourage extrémiste, rejette définitivement le principe démocratique
et relègue aux calendes
grecques les résultats des élections de mai 1965. Dans ce
discours, le souverain récuse la
monarchie constitutionnelle et plaide pour une nouvelle constitution qui
consacrerait le retour à une monarchie de droit divin.
Le principe que "le
roi règne mais ne gouverne pas" n'est
qu'une subtilité qui le relègue à un simple symbole
n'ayant rien à dire. Il refuse par conséquent de souscrire à pareil
subterfuge. Même si la tentation de restaurer
l'absolutisme royal peut être une réalité, ce discours émane de
milieux extrémistes tutsi. Il est destiné à
saper la base même des nouvelles institutions où les hutu sont
majoritaires. De surcroît, le souverain confirme dans
ce discours
sa décision du 07 juin 1963 et son arrêté royal du 07 mars 1965 d'ériger
définitivement les départements
de l'Armée, de la Gendarmerie, de la Justice, de l'Information et de la Sûreté
Immigration en Secrétariats
d'Etat relevant de sa seule autorité. Ainsi ces postes étaient
soustraits à l'autorité et au contrôle des institutions
issues de la volonté populaire.
-
Mainmise
tutsi sur l'administration territoriale: Sans
s'en référer ni à la Constitution, ni à la nouvelle Assemblée
Législative, le roi promulgue une nouvelle loi communale le premier
septembre 1965. Au terme de cette loi anti constitutionnelle le nombre de
communes est drastiquement réduit, passant de 181 à 78 et les bourgmestres
élus sont transformés en de simples fonctionnaires nommés par la
Couronne. C'était un coup dur porté
à la démocratie. Les bourgmestres élus hutu furent systématiquement
remplacés par des tutsi pour assurer leur
suprématie. Sur les 78 bourgmestres nommés, on comptait 55 tutsi.
L'objectif de la mesure était d'assurer
|
-11-
un
quadrillage administratif complet, prélude au génocide des hutu.
Un groupe de parlementaires hutu adressèrent une lettre de protestation
au roi au sujet de la loi sur les communes et les bourgmestres en date du
28 septembre. Ils seront les premiers à le payer de leur vie lors des
massacres du mois suivant. - Nomination d'Artémon Simbananive: le
10 septembre 1965, Artémon Simbananiye est nommé Secrétaire d'Etat
chargé de la Justice en remplacement de Joseph Butera, jugé trop mou
envers les hutu. Même à l'époque Ngendandumwe, Artémon Simbananiye
était déjà accusé de préparatifs des massacres des élites hutu. Ce
dernier passait pour un homme intelligent, "mais d'une intelligence
froide qui s'accompagne d'un cynisme et d'une cruauté sans limites".
La nomination de ce hima à un poste aussi stratégique se révélera
très fatale pour les hutu. Faisant allusion à Micombero et Simbananiye,
des auteurs n'ont pas hésité de parler de "duo de choc à la cour
royale"
"Le Burundi revient au temps du
monarque absolu où les affaires de l'Etat se géraient comme si elles
appartenaient à la couronne seule. Les intrigues réapparaissent au sein
de la classe politique. Les courtisans s'entre-déchirent pour s'assurer
les faveurs du monarque. Dans cette pêche en eau trouble, deux hommes
vont se révéler machiavéliques. Il s'agit de M. Micombero, secrétaire
d'Etat à la défense et dA. Simbananiye, secrétaire d'Etat à la
justice. Sous des airs doucereux et flatteurs, ils vont séduire le roi.
Ce dernier va en faire ses conseillers favoris. Or ces deux privilégiés
préparent le renversement de la monarchie" - Nomination
d'un Premier Ministre anticonstitutionnel: le 29 septembre, enfin, le
roi foule au pied encore une fois la Constitution. Il refuse de nommer au
poste de Premier Ministre le candidat présenté par la majorité
parlementaire, en l'occurrence le jeune et brillant universitaire hutu
Gervais Nyangoma, héritier spirituel du Premier Ministre assassiné
Pierre Ngendandumwe. A la place, il nomme son secrétaire particulier, le
prince Léopold Bihumugani alias Biha. Par cette nomination
anticonstitutionnelle, le roi écarte les hutu de l'exercice de la plus
grande fonction gouvernementale, sans doute par faciliter au moment fatal
la prise des décisions. B.F. Kiraranganya a qualifié la décision de
tricherie:
"Pendant que les
leaders tutsi ne savaient où donner de la tête devant un tel succès des
hutu, découragés de la mort de Pierre Ngendandumwe qui n'avait rien
arrangé du tout, le roi Mwambutsa IV leur offre une chance: il triche
encore une fois, écarte les hutu de la direction du gouvernement en
nommant son cousin, Léopold Biha (dit Bihumugani) à la tête de ce
gouvernement. Léopold Biha n'est même pas membre de l'uprona. Il ne
s'est même pas donné la peine de dépenser son argent et son énergie
pour participer aux élections qui viennent de se dérouler. La nomination
légale mais fort peu démocratique de Léopold Biha satisfait les tutsi
puisque (malgré tout) il est quand même de leur tribu"
Cependant cette nomination
ne faisait pas tout à fait le jeu des extrémistes tutsi comme la suite
des événements allait le montrer:
"L'attitude du roi
(nomination de Biha), provoqua l'exaspération, non seulement chez les
vainqueurs de mai 1965 frustrés de leur succès, mais aussi l'aile gauche
de la classe bureaucratique tenue à l'écart du pouvoir"
2.3.2. Dans
les milieux hutu|
MENU
De tout temps, les hutu
ont été dominés, asservis, exploités par les tutsi. La colonisation a
renforcé les clivages entre les deux communautés. En favorisant les
tutsi au détriment des hutu, elle a aiguisé le sentiment de
supériorité chez les premiers et de frustration chez les seconds.
Malgré les mesures discriminatoires, au lendemain de l'indépendance,
quelques hutu avaient pu accéder à la formation et prendre conscience
des injustices caractérisées qui frappaient leur communauté. Ils
réclamaient l'instauration d'un régime démocratique. Cette
revendication était de mauvais goût pour les tutsi habitués à
l'exercice d'un pouvoir sans partage. La victoire des hutu aux élections
législatives du 10 mai 1965 était inattendue dans les milieux tutsi. Les
cadres hutu avaient à cet égard mené une lutte politique âpre, les uns
au sein du parti féodal Uprona, les autres au sein du Parti du Peuple
décapité en janvier 1962, puis ressuscité assez miraculeusement pour la
circonstance. Les hutu ont donc gagné les élections législatives. Mais
des faiblesses de tous ordres minaient leur camp.
a. Constat: le pouvoir hutu,
un apparat extérieur |
MENU
La majorité
parlementaire était illusoire quant à l'exercice réel du pouvoir. Sans
revenir sur les manoeuvres de la couronne et des extrémistes tutsi pour
courtcircuiter la nouvelle Assemblée, les déséquilibres cumulés dans
les domaines de l'éducation, de la formation, de la promotion rend les
hutu scandaleusement minoritaires dans les
différents rouages de l'Etat. Le niveau même de formation de ces
nouveaux élus ne jouent pas en leur faveur.
|
-12-
La plupart sont de petits
enseignants qualifiés ou semi-qualifiés ou des infirmiers. Le président
du Parlement lui même, Emile Bucumi est un technicien médical encore
jeune célibataire. Il s'avère indispensable d'opposer un démenti formel
à l'équivoque savamment créée par les milieux tutsi et selon laquelle
les hutu avaient le pouvoir en 1965. Le tableau ci-dessous, ainsi que les
commentaires de A. Barampama en disent long:
Postes de haute
responsabilité civile par ethnies en septembre 1964
Fonctions |
Effectifs
Hutu |
tutsi |
Ministres |
5 |
8 |
Chefs de cabinets |
3 |
7 |
Directeurs généraux |
4 |
9 |
Directeurs |
8 |
34 |
Gouverneurs de province |
2 |
6 |
Commissaires d'arrondissements |
3 |
15 |
Directeurs parastataux |
0 |
13 |
Responsables / Parquets |
2 |
|
Juges / Tribunaux de Province |
0 |
11 |
Juges / Tribunaux de Résidence |
3 |
66 |
Corps Diplomatiques |
5 |
22 |
Total |
33 |
181 |
En valeurs relatives, cela revenait à
environ 10% de hutu contre 90% de tutsi !
"En juillet 1965, la
répartition ethnique des fonctionnaires de grade supérieures des
différents ministères se présentait comme suit: trois ganwa (tous
directeurs); 83 tutsi, dont 12 directeurs généraux; 36 directeurs et 35
sous - directeurs; 43 hutu dont 7 directeurs généraux, 14 directeurs et
22 sous-directeurs; 4 non spécifiés (1 directeur et 3 sous - directeurs)
dans l'armée, où 80% des effectifs sont hutu, 90% des officiers sont
tutsi" Une autre analyse
montre que ni sur le plan militaire, ni sur le plan politique, malgré les
mensonges consignés ici et là, les hutu n'avaient pas l'avantage. Compte
tenu du rapport des forces en présence, un coup d'Etat militaire hutu
était impensable, sauf l'on ne veut dénigrer et ridiculiser leshutu.
"L'armée comptait 80%
de hutu au niveau des hommes de troupes, mais était dirigée par une
majorité d'officiers tutsi, dirigés par le mututsi muhima extrémiste
Michel Micombero, donc paralysée par "en haut" au niveau du
commandement; la gendarmerie, elle comptait une majorité de tutsi au
niveau des hommes de troupes, commandés par une majorité d'officiers
hutu (20 sur38), soit 53% de l'ensemble du corps des officiers, sous la
houlette du commandant hutu, Antoine Serukwavu. La gendarmerie en cas de
levée massive en vue d'un coup d'Etat, était elle aussi paralysée
politiquement, cette fois-ci par "en bas" "...Sont à
comptabiliser aussi les mercenaires européens avec lesquels le roi était
en contact, notamment à Uvira, et surtout l'armée fort bien équipée
des réfugiés tutsi rwandais (Inyenzi), dont la collusion dont la
collusion avec les tutsi extrémistes burundais était certaine depuis
l'assassinat de Pierre Ngendandumwe. Au total des facteurs, les tutsi
l'emportaient largement sur les hutu"
b. Absence d'une stratégie
commune |
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On peut nettement distinguer
parmi les élus et les milieux politiques hutu en général deux
tendances.
- Le premier groupe, sans
doute le plus nombreux, de ceux qui croient que cette victoire peut
conduire à des changements positifs profonds de la situation. Pour eux,
les résultats des élections législatives du 10 mai 1965 symbolisent la
victoire de la démocratie, seul système garant d'un avenir meilleur pour
tous les fils et les filles du pays. Ils espéraient donc naïvement
pouvoir mettre fin au régime féodal ainsi qu'aux injustices et au
terrorisme qui le caractérisaient.
" Les élus hutu
espéraient s'imposer par le nombre pour influencer les changements en
faveur des masses rurales et assainir les rapports sociaux devenus de plus
en plus tendus depuis les massacres de Kamenge, en janvier 1965.
Contrairement aux assertions des extrémistes tutsi selon lesquelles les
hutu visaient à organiser une révolution à la rwandaise, les hutu du
Burundi aspiraient à plus de justice à travers un système |
-13-
démocratique tenant compte des
besoins et de l'expression des paysans. En clair, les élus entendaient
réaliser une révolution pacifique en bannissant les méthodes utilisées
par l'Uprona pour maintenir la majorité de la population à l'écart du
pouvoir"
- Le
deuxième groupe, par contre, récuse cet attentisme naïf. Certaines
personnalités expriment des prises de positions courageuses devant les
manoeuvres déloyales de la Couronne et de l'extrémisme tutsi. C'est le
cas notamment de Gervais Nyangoma, Directeur Général au Premier
Ministère, et des anciens exilés tels Paul Mirerekano, Patrice Mayondo
et leurs amis
"qui, malgré leur petit nombre,
avaient pu s'accrocher aux syndicats chrétiens de Belgique pour
sensibiliser le monde occidental très largement pro-tutsi, sur la
détermination des batutsi et des baganwa à rayer les bahutu de la scène
politique, sous prétexte que ces derniers étaient nés pour servir et
non pour commander" Le personnage de
Gervais Nyangoma mérite une mention particulière. En effet, sa pensée
reste d'actualité en ce qui concerne les rapports de forces. Dans
l'enthousiasme général, on lui avait proposé de poser sa candidature au
Parti du Peuple.
"Malgré la sympathie qu'il
éprouvait pour ses camarades, il refusa, considérant la campagne
électorale comme une dangereuse perte de temps, gardant l'ceil sur
l'armée et la gendarmerie dont les officiers supérieurs dressaient les
listes de mort des candidats populaires" .
Tout en déclinant l'offre, il
pressentait un drame imminent
"Vos joies électorales, vos
danses triomphales ne tiendrons pas contre les balles des mitraillettes.
Si l'ennemi en face de nous a un fusil, le mieux c'est d'en avoir un aussi
et de tirer le premier. Nos bulletins de vote risquent d'être souillés
de notre propre sang, car les voix les plus fortes seront celles des
armes" Gervais Nyangoma prônait le
rassemblement des hutu dans un nouveau parti, l'Union Populaire du
Burundi, et autour d'un idéal commun, mais qui malheureusement était
jusque là mal défini. Son discours prononcé lors des cérémonies du
troisième anniversaire de l'indépendance qu'il présidait, est devenu
historique. Il dénonçait la dégradation économique, le pourrissement
social, l'instabilité gouvernementale, l'anarchie administrative,
l'incurie politique... en montrant que le parti Uprona avait failli à sa
mission sur toute la ligne. Pour G. Nyangoma, la solution consistait en
l'avènement d'une nouvelle économie, d'un nouvel Etat, d'un nouveau
parti. G. Nyangoma est la figure la plus émergeante de l'époque. Il est
d'ailleurs considéré comme l'héritier spirituel du Premier Ministre
assassiné Pierre Ngendandumwe. Sa clairvoyance et la pertinence de ses
interventions exercent une réelle fascination dans les milieux hutu. Les
tutsi par contre,le traitent d'extrémiste dangereux. Il est le candidat
incontesté de la classe politique hutu au poste de Premier Ministre.
2.4.
Déclenchement
: la nuit du 18 Octobre |
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2.4.1. Le fil des événements
Le génocide de 1965 a été
perpétré à la suite d'une tentative de coup d'Etat militaire intervenue
dans la nuit du 18 au 19 octobre. Au sujet de son déclenchement,
plusieurs versions assez proches ont été diffusées. Le témoignage
ci-dessous émane d'un observateur étranger qui avait accès à plusieurs
sources d'informations: Dans la nuit du 18 octobre, une insurrection
éclata: une partie de l'armée s'était soulevée avec l'appui de
plusieurs leaders hutu. Un groupe d'insurgés s'attaqua au domicile du
Premier Ministre Léopold Biha, qui fut ciblé de balles, qu'on laissa
pour mort et qui survécu par miracle Un autre groupe attaqua la
résidence du mwami. Ce dernier, excellent chasseur se réfugia derrière
un canapé et fit le coup de feu, pendant que sa petite ai-nie du moment
rechargeait ses armes. On dit aussi que par manque de coordination, les
groupes armés s'entretuèrent dans le vaste parc de la résidence. Quoi
qu'il en soit, le mwami tint bon jusqu'à l'aube et fut délivré sain et
sauf par les troupes royalistes. De nombreux cadavres gisaient dans le
parc. Ce matin-là, la ville était sous la menace des rebelles qui
s'étaient emparés du camp militaire et des armes lourdes. Je me souviens
l'avoir parcourue vers 8 heures du matin. Les rues étaient jonchées de
débris. Les enfants partant pour l'école avaient été rattrapés par
leurs parents anxieux. Un peu avant 10H, des tirs en provenance du camp militaire frappèrent
le marché central. De ma voiture, je vis nettement des silhouettes
s'effondrer sur le sol, tandis que les gens du marché fuyaient à toutes
jambes pour se mettre à l'abri. Quelques officiers belges de la
coopération militaire se présentèrent courageusement sans armes pour
négocier avec les mutins. Ceux-ci se rendirent sans trop de difficultés.
Entre-temps, une colonne de blindés royaliste dirigée par Paul Rusiga
avait fait mouvement depuis Gitega pour défendre la capitale. Leur
intervention ne fut pas nécessaire. A 11 h, tout était terminé. Nos
officiers avaient incontestablement évité un bain de sang à la
population civile..."
|
-14-
2.4.2. Les auteurs du coup
|
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Les événements de la nuit
du 18 octobre ont été entourés de mystères. L'opinion a eu droit à la
seule version du pouvoir en place ou de personnes proches qui en ont
attribué la responsabilité exclusive aux hutu. Par la suite, ces
derniers ont été objet d'un génocide qui n'a pratiquement laissé de
survivant parmi les victimes visées de prime abord. Les générations
actuelles manquent d'informations objectives à ce sujet. Cependant à la
lumière des faits ultérieurs ou même saisis sur le vif, les
responsabilités des uns et des autres peuvent être clairement établies.
a. Rôle des hutu
Dans la nuit du 18 octobre
1965, il y a eu indéniablement une tentative de coup d'Etat militaire.
Mais, au regard de la structure de l'armée de l'époque, il est insensé
d'en attribuer la responsabilité aux seuls hutu comme certaines sources
unilatérales tentent de l'accréditer. Ces sources de mauvaise foi
propagent que les hutu voulaient prendre le pouvoir et massacrer les
tutsi. De tels propos sont dénués de tout fondement. Certes, des
officiers et des hommes de troupes, autant hutu que tutsi ont pris une
part active dans l'événement. La situation ne saurait s'expliquer
autrement. D'une part les militaires n'étaient pas séparés ethniquement
dans les casernes. D'autre part, le corps des officiers, depuis le
Secrétaire d'Etat à la Défense nationale, était majoritairement tutsi,
et personne n'a été inquiété. Au niveau des hommes de troupes où les
hutu étaient majoritaires, aucun tutsi n'a eu la moindre égratignure du
fait de son appartenace ethnique. S'il y a eu des militaires morts lors
des affrontements, ils étaient indistinctement hutu et tutsi. Aucun
politicien, ni cadre civil tutsi n'a non plus été visé. L'ambassadeur
Térence Nsanze écrit que le petit groupe de commandos qui a rejoint
Antoine Serukwavu au voisinage du palais était "presque tous"
des hutu. La nuance est de taille d'une part, parce qu'elle suggère la
participation des tutsi, mais d'autres part banale puisque les hutu
étaient majoritaires au niveau de la troupe. Les troupes dites
"royalistes" qui participent à la répression de la mutinerie
sont majoritairement des hutu. Le prétendu chef de file des mutins cité
de toutes les lèvres, à savoir l'ancien Secrétaire d'Etat à la
Gendarmerie Antoine Serukwavu était d'une mollesse sans précédant.Ce
dernier, s'est réfugié au Rwanda depuis la matinée du 19 octobre. Mais
" il a toujours nié
énergiquement jusqu'à sa mort en 1985, toute implication dans l'escapade
du 18 octobre 1965. Dans la mesure où aucun début de preuve de
culpabilité n'a jamais été établi à l'encontre du haut responsable de
la Gendarmerie Nationale, dans la mesure où aucun témoin à charge n'a
infirmé ces dénégations, nous ne sommes en droit de les remettre en
question. Le coup d'Etat manqué des 18 et 19 octobre peut apparaître
donc comme la suite logique des élections législatives, cela est
indéniable. Qu'il soit le fait des hutu, cela est discutable et pas du
tout établi".
Hormis son propre caractère
et son témoignage, Antoine Serukwavu, en sa qualité de Secrétaire
d'Etat chargé de la Gendarmerie, n'avait ni le pouvoir, ni les moyens
d'organiser un coup d'Etat. En effet, depuis le mois de janvier 1965, dans
le cadre des préparatifs du génocide, le Secrétaire d'Etat à la
Défense Nationale Michel Mcombero avait placé la gendarmerie sous ses
ordres. Il avait fait édicter l'arrêté royal no 001/ 614 du 23 janvier
1965 fixant les responsabilités en cas d'interventions combinées de la
gendarmerie et de l'armée nationale 'Article unique : Les autorités
militaires sont responsables des opérations lorsque l'armée et la
gendarmerie nationale sont appelés à inten'enir ensemble lors des
événements susceptibles de compromettre sérieusement l'ordre public ou
lors des troubles graves ou généralisés"
Un autre officier hutu
suffisamment cité est le capitaine Ndabahagamye Fidèle, qui aurait
dirigé les opérations lors de la mutinerie. Ce capitaine fut arrêté et
tué sans aucune résistance, au camp Muha où il était de service. De
tous les avis de stratèges, un chef suprême d'une mutinerie ne s'expose
pas, sans protection, dans un camp militaire, attendant calmement son
arrestation. En conclusion, les officiers et soldats hutu qui ont
participé à cette tentative de putsch l'ont fait de bonne foi,
obéissant à des ordres hiérarchiques. Ils ont participé à un
mouverment insurrectionnel dont ils ne connaissaient ni les tenants, ni
les aboutissants, discipline militaire oblige. Parler de"manipulation
ou de "naïveté"serait un manque de respect à l'égard de ces
vaillants militaires. L'assertion selon laquelle les politiciens et cadres
hutu auraient été impliqués est tout simplement ridicule. Selon les
mêmes sources, Gervais Nyangoma serait le cerveau de ce coup d'Etat hutu
manqué. Quand le groupe des mutins se rassemble sur l'ancien terrain
d'aviation de Kanyosha, avant de se lancer à l'assaut du palais royal,
Gervais Nyangoma est de la partie. Les auteurs de telles assertions
manquent totalement de sérieux. Comment un civil, aussi censé que ce
brillant universitaire, non initié au maniement des armes peut-il
s'aventurer |
-15-
au-devant d'une telle
opération ? En proie à la panique devant la tournure que prenaient les
événements, il a fait une tentative de s'évader vers le Rwanda. Puis,
dans son innocence ou naïveté, il aurait rebroussé chemin vers
Bujumbura où il fut appréhendé. Une autre source indique que dans sa
tentative de rejoindre le Rwanda, il aurait été intercepté à la
frontière par les paysans de la province de Bubanza qui le livrèrent aux
autorités. Ensuite, comment expliquer que tous les dignitaires et cadres
hutu "auteurs présumés" du coup se soient laissés
"gentiment" cueillir par leurs bourreaux à leurs domiciles,
autrement que par leur innocence. Jamais jusqu'aujourd'hui, des faits
juridiquement vérifiables à leur charge n'ont été établis. S'agissant
du rôle joué par les hutu, un témoin objectif a parlé plutôt de
"pièges et provocations brillament réussies!"
b. La responsabilité des
tutsi: rôle clé de Micombero |
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De toute évidence, le coup
d'Etat manqué du 18 octobre 1965 a été planifié et conduit de mains de
maîtres par les milieux éxtrémistes tutsi de l'entourage de Michel
Micombero. L'objectif de leur plan était de renverser la monarchie, de
massacrer les hutu et de monopoliser un pouvoir "républicain".
Hormis des auteurs burundais, même un spécialiste étranger, Jean
Ziégler a abouti à la conclusion que le coup d'Etat a été dirigé par
des jeunes barundi, officiers tutsi brevetés de l'Ecole militaire de
Saint Cyr. Cette thèse se justifie aisément au vu des premières cibles
des attaques.
1er étape : attaque du
palais royal |
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Les "mutins" se sont
d'abord attaqué au Palais royal. Mais le roi s'en est sorti indemme. Il y
a eu d'une part un manque de coordination des opérations, car la plupart
des exécutants en ignoraient la finalité. Le capitaine Michel Micombero,
architecte rusé de tout le montage, se fit introuvable dans les premiers
moments. Son intervention permit une maîtrise rapide de la situation. Au
lieu d'assurer sa mission de protection des institutions, il exila
purement et simplement exilé le roi à Uvira où campait une compagnie de
mercenaires belges. Ses propos à ce sujet rappelaient le Renard de
LaFontaine: "Si votre majesté permet, je crois qu'il serait mieux
de fuir au plus vite. Inutile d'exposer notre précieux roi... prenez vite
le souterrain. La barque vous attend sur le lac. De là, les Belges vous
aideront jusqu'au Congo. On a déjà téléphoné". L'extraits
suivant, d'une analyse récente, affirme sans ambages que le capitaine
Michel Micombero, Secrétaire d'Etat à la Défense Nationale est le
véritable planificateur du coup: "Le
19 octobre 1965, au matin, le capitaine Micombero, secrétaire d'état à
la défense annonçait qu'un putsch venait d'être déjoué et que la
situation était totalement maîtrisée. La suite des événements allait
démontrer que le prétendu coup d'état était une opération montée par
Micombero lui-même"
Procédant par une série
d'interrogations pertinentes et se référant à une interview exclusive
où le roi lui-même s'est plaint de l'attitude du capitaine Micombero, le
Professeur A. Nsanze tire la même conclusion sur le rôle de ce dernier
dans le coup d'Etat manqué: "Il
reste anormal que le coup d'État manqué du 18 octobre n'ait jamais été
revendiqué; une seule version officielle impliquant la Gendarmerie du
commandant Antoine Serukwavu à la solde de l'élite hutu. Pour tenter une
explication de cette crise, procédons d'abord par une collecte de faits
troublants. D'abord pourquoi lors de l'attaque du palais foyal, le
secrétaire d'Etat à la défense, le capitaine Michel Micombero est-il
demeuré introuvable, au moment où son patron, le mwami, avait le plus
besoin de lui? Pourqoi le même capitaine, même quand il a réapparu,
"il ne s'est pas présenté au roi, préférant rester hors de
l'enceinte du palais?" ... Un coup d'Etat militaire, oui, qui a
impliqué l'armée et la gendarmerie. ... En plus le secrétaire d'Etat à
la défense, le capitaine Michel Micombero, a bien montré qu'il était en
rébellion contre le mwami. ...On peut dire donc que, dans l'exécution
des forfaits au Palais Royal et à la Résidence du Premier Ministre
ministre, les deux Secrétaires d'Etat ont collaboré. Il faut cependant
reconnaître que si le coup d'Etat n'a pas abouti, il n'a pas totalement
échoué: la cible principale, le mwami, a fui au Congo voisin. Il n'est
d'ailleurs revenu que pour s'exiler définitivement. Ce qui a été
gênant, c'était comment expliquer au peuple qu'on avait tenté de tuer
le mwami. Le sort de ceux qui se rendent responsable d'un tel acte est
connu, la justice traditionnelle était claire à ce sujet: les hamenja
méritaient simplement la peine de mort. Le coup raté, il fallait
échapper à la peine capitale. Le Secrétaire d'État à la Gendarmerie
ayant échappé, le Secrétaire d'Etat à la Défense s'est déchargé sur
le fuyard et s'est en plus comporté en justifier pour enrayer tout
soupçon de solidarité...
Le retournement du capitaine
Michel Micombero qui, subitement, de rebelle a vêtu le costume de
royaliste, n'a rencontré aucun démenti, pour deux raisons. D'abord, les
choses sont allées rapidement: l'échec en une nuit,
|
-16-
le virement le lendemain.
Ensuite, le Capitaine avait des intermédiaires auprès du roi dans la
classe des princes qui appartenaient au groupe casablanca".
- 2ème
étape: attaque de la résidence
du Premier Ministre
En même temps que le Palais
royal était assiégé, un autre groupe s'attaqua à la résidence du
Premier Ministre Léopold Biha. Ce dernier fut grièvement blessé,
hospitalisé et ensuite évacué vers l'Europe. Il importe de souligner
que Léopold Biha s'était rendu impopulaire dans les milieux des
extrémistes tutsi. D'abord sa nomination s'était faite au détriment de
leur candidat Thaddée Siryuyumunsi. D'un autre point de vue, Léopold
Biha, symbolisait pour l'élite intellectuelle tutsi le retour en force
des chefs traditionnels, les baganwa. Il fallait contrer ce danger. Le roi
Mwambutsa étant devenu une entrave à la réalisation des ambitions des
élites modernes tutsi, il devait disparaître de la scène politique. Au
niveau de l'Uprona, le groupe Casablanca ne le tolérait pas. Il était un
ennemi juré de André Muhirwa, leader influent de ce groupe. Une autre
raison supplémentaire pour les extrémistes tenait du fait que, pour la
première fois dans l'histoire du pays, il avait formé un gouvernement
largement dominé par les hutu. Un auteur explique le problème Biha en
ces termes
"Par ailleurs, on sait
que Biha était un défroqué de l'Uprona qui s'était réfugié dans les
bras de la Couronne. Donc, il ne pouvait en aucun cas représenter
l'intérêt des extrémistes batutsi. Enfin, le groupe Casablanca avait un
objectif précis, celui de contrer le 'péril hutu" le plus
rapidement possible, en organisant une sérieuse saignée dans les rangs
des bahutu. Biha n'était pas indiqué pour ce genre d'opération. Il
était plutôt perçu par ses ennemis de l'Uprona comme un écran, et on
allait pas tarder à le lui montrer: le 18 octobre 1965, on a d'abord
tiré sur lui avant de faire l'hécatombe que nous décrirons plus
loi".
2. 5. Exécution en règle
d'un génocide
2.5.1. Note préliminaire
|
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De manière unanime, le 19
octobre 1965, en milieu de matinée, vres 10heures ou 11 heures, la
"prétendue"mutinerie était maîtrisée. Mais les rôles ont
été différemment appréciés. Certains auteurs en glorifient les
capitaines Michel Micombero et Paul Rusiga descendu très tôt le matin de
Gitega à la tête de troupes de para-commandos. D'autres louent
l'intervention de la coopération militaire belge sous la supervision du
le colonel Verwayen. Le fait patent est que le capitaine Michel Micombero
prit les devants de la scène. Dans un message radiodiffusé dès le
matin, il affirme avoir déjoué une tentative de coup d'Etat et
côntroler la situation. Il confirme le retour au calme et promet de punir
sévèrement les coupables. Les conditions sécuritaires propices à un
règlement objectif et transparent de la situation étaient objectivement
réunies. Mais l'on va assister à la mise en place de mesures
exceptionnelles tant sur le plan militaire que juridique pour exécuter un
génocide en règle.
a. Mise en place de mesures
exceptionnelles
- Domaine politique et institutionnel
|
MENU
Un vide politique est
d'abord créée au sommet. Le mwami a d'abord été exilé au Congo, puis
en Europe où le Premier Ministre était déjà hospitalisé. Avant son
départ en exil, le le roi signa l'arrêté-royal du 20 octobre 1965
instaurant l'état de régime militaire d'exception, confiant ainsi tout
le pouvoir à Michel Micombero et à son entourage. Par ailleurs, le
Secrétaire d'Etat à la Défense Nationale dépendait directement de la
couronne et non du gouvernement. Il a la mission de réprimer dans le sang
le soulèvement:
"Tu as raison mon
fils... Je te laisse faire. Tout à l'heure à la radio, tu annonces
l'instauration du régime militaire... Tu me fabriques un bon Conseil de
Guerre avec les plus durs et on fusillera cette racaille en masse. Inutile
de perdre du temps à des enquêtes compliquées: on sait maintenant ce
qu'ils valent tous!... Nettoie bienn le pays. A la baïonnette et sans
pitié! Culbute-moi tous ceux qui ont levé le petit doigt. Fais pas de
quartier! Ça leur apprendra... On les passera tous par les armes. Prenez
les tous vivants! N'en lâchez pas un seul! Les camions sont prêts? Les
listes distribuées partout ?Oui, les camions depuis hier, les listes
depuis une éternité.
Devenu seul homme fort du
pays, le capitaine M ichel M icombero instaure le couvre feu de 17 heures
à 6 heures du matin, suspend les ministres de leurs fonctions par la
décision no 130/156 du 04 novembre 1965.
|
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- Domaine
juridique |
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Juridictions militaires
spéciales
Des juridictions spéciales,
exclusivement composées de tutsi sont aussitôt mises en place. Il s'agit
premièrement de l'arrêté minisériel no 130/809 du 21 octobre 1965 du
Secrétaire d'Etat à la Défense Nationale fixant la constitution et la
composition du Conseil de Guerre:
Article 3 : le conseil de
Guerre sera composé comme suit:
1 ère Chambre:
Juge Président : Capitaine Ndabemeye
Assesseur : Kandeke
Jean-Berchmans
2°` Chambre:
Juge Président: Capitaine Rusiga
Assesseur : Vyuzura
Tharcisse
L'arrêté ministériel no
1301811 du 03 novembre 1965 du Secrétaire d'Etat à la Défense Nationale
fixant la constitution et la composition du Conseil de Guerre et de la
Cour Militaire: Article 1 : Les juges suppléants du Conseil de Guerre
sont:
Lieutenant Rubeya
Lieutenant Ndikumana
Lieutenant Nzisabira
Article 3 : les juges
désignés pour siéger à la Cour Militaire sont:
Capitaine Burasekuye
Capitaine Nkoripfa
La cour martiale était
présidée par le capitaine Nkoripfa Damien et comprenait en outre le
commandant Rusiga Paul et les magistrats Vyuzura Tharcisse, Nguririnzira
Gélase, Nayuhurume Etienne et Mabushi Charles.
Juridictions civiles
Le Secrétaire d'Etat à la
Justice Artémon Simbananiye met en place un dispositif juridique
répressif sans précédant. Il soumet à la signature du
roiL'arrêté-loi no 001/791 du 20 octobre 1965 détermine les règles
applicables au régime militaire et d'exception:
Article 1 : Le roi peut,
pour des raisons graves de sûreté publique, suspendre dans une ou
plusieurs provinces du Royaume, et pour un temps déterminé, l'action
répressive des cours et tribunaux civils et y substituer celles des
juridictions militaires.
Article 2 : Dans les
provinces soumises au régime militaire, toutes personnes sont
justiciables de la juridiction militaire, sans qu'on puisse se prévaloir
de privilèges et d'immunité.
Article 3 : la juridiction
militaire n'applique aux non-militaires que les lois pénales édictées
pour les civils. L'inobservation des délais de procédure par la
juridiction militaire n'est pas une cause de nullité. Les jugements des
conseils de guerre ne sont susceptibles d'appel, à l'exception des
jugements portant condamnation à la peine de mort ou à une servitude
pénale de 10 ans au moins. Le délai de pourvoi en cassation est réduit
à 10 jours.
Article 4 : Tout jugement
passé en force de chose jugée peut-être exécutée immédiatement.
Article 4 bis : Les militaires pris
en flagrant délit d'insurrection sont immédiatement passés par les
armes. Ensuite, alors que la rébellion ne
s'est déroulée qu'à Bujumbura et a été vite maîtrisée, le
Secrétaire d'Etat à la Justice fait instaurer le régime militaire et
d'exception dans toutes provinces du royaume (Arrêté Royal noOOl/792 du
20 octobre 1965).
Enfin, un autre arrêté
royal plus tyranique que les précédants est squmis à la signature du
roi la même date (no 0001/794) Cette loi porte sur les exécutions
capitales: ,
Article 1 : pendant toute la durée
du régime militaire et d'exception instauré en vertu de l'arrêté royal
no 001/792 du 20 octobre 1965, les exécutions capitales se feront par les
armes. Afin de permettre sous le couvert
de la loi, d'assassiner le plus grand nombre de hutu possible, le 21
octobre, A. Simhananiye, estimant que les délais prévus dans l'article 3
de l'arrêté-loi no001/791 du 20 octobre 1965 risquaient de freiner
l'action envisagée dans l'article 4, il apporte des corrections en
édictant l'arrêté-loi no001/795 du 21 octobre 1965 modifiant
l'arrêté-loi no 001/795 du 21 octobre 1965:
Article 3 : Sauf en matière
de droit commun, les jugements des conseils de Guerre ne sont susceptibles
ni d'appel ni de pourvoi en cassation.
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-18-
b. Déroulement des
massacres |
MENU
- Dans la capitale Bujumbura
A Bujumbura la capitale, les
exécutions ont commencé au sein de l'Armée et de la Gendarmerie dès la
matinée de la mutinerie. La première personne visée fut le commandant
hutu de la Gendarmerie Antoine Serukwavu. Micombero lui-même se présenta
à son domicile pour l'éliminer comme tête présumée du complot, mais
il réussit à s'enfuir au Rwanda à bord d'un véhicule de service. Par
suite, il suffisait d'être militaire ou gendarme hutu pour être
identifié comme mutin et passé par les armes. C'est l'unité de camp de
Kitega, conduite par le commandant Paul Rusiga qui se livra en premier
lieu à cette sale besogne: "Elle
arriva à l'aube. La bataille qui s'en suivit dura jusqu'à la reddition
des survivants des mutins, à 10h. Les forces royalistes avaient subies de
très faibles pertes. Les mutins évalués à une centaine, furent
abattus".
Beaucoup d'écrits ont vanté les
mérites du commandant Paul Rusiga. Or, on a vu , avec le témoignage de
Niemegeers que l'intervention de ce dernier ne fut pas utile, car la
médiation de la coopération militaire belge avait mis fin à la
mutinerie. Paul Rusiga n'a fait que massacrer de pauvres militaires hutu
triés, désarmés et abusés. Le Conseil de Guerre rendit les premières
sentences de mort le 21 octobre; au total 34 militaires condamnés et qui
furent fusillés le même jour. En outre, neuf gendarmes dont quatre
officiers furent exécuté le 25 octobre. Après ces premières
exécutions dans les rangs des militaires et gendarmes, ce fut le tour des
politiciens. "Une parodie judiciaire bien maquillée par une cour
martiale exclusivement composée de tutsi"condamna à mort tous les
hutu membres du Parlement, du Sénat, du Gouvernement, les dirigeants du
Parti du Peuple PP et des syndicats chrétiens, enfin tous les cadres hutu
de différents secteurs de la vie publique. Bref, tout hutu de standing
était arrêté et passé devant le Conseil de Guerre et exécuté. Selon
un rapport établi par la Commission internationale des juristes le 8
janvier 1966, 86 sentences de mort ont été prononcées par des tribunaux
militaires improvisés placés sous les auspices de l'armée et du
ministre de la justice... Selon des sources concordantes, les fusillades
se sont effectuées pendant de longs mois très tôt le matin. Un témoin
explique la manière dont les rafles ont été menées: "Mis en
application par l'armée burundaise pour la première fois cette
année-là, le scénario reste le même de nos jours : un groupe de
militaires se présentent au domicile de la personne suspectée,
l'embarquent à bord de leur véhicule. Et dans la majorité des cas nul
ne la revoit plus. Quand la victime essaye de résister, elle est abattue
sur place. Les politiciens hutu les plus importants (ministres et
parlementaires) furent rassemblés au stade Albert, situé à l'époque
sur l'emplacement de l'actuelle présidence. Les exécutions avaient lieu
très tôt à l'aube, sans procès et sans témoin. Très peu d'entre eux
réussirent à s'enfuir pour la simple raison qu'ils ignoraient qu'il y
avait eu complot". D'autres militaires et fonctionnaires hutu se
présentaient normalement au service où ils se voyaient arrêtés pour
être conduits à l'abattoir. Les bourreaux n'en avertissaient même pas
leurs familles qui attendaient en vain leur retour. De témoignages
particulièrement poignants au sujet de ces cas sont nombreux. Ainsi, le
triste souvenir d'enfance suivant: "Un
jour d'octobre 1965, mon père, Isidore Mugabonihera s'est rendu à son
travail comme à l'accoutumée. Nous habitions à l'OCAF, l'Office des
cités Africaines, actuel quartier Ngagara, dans une maison de fonction
mise à notre disposition parle Gouvernement. J'avais 4 ans et demi.
Gendarme, mon père était chef d'un peloton qui ce jour-là, était de
garde au poste de Kanyosha à Bujumbura. Le lendemain, il n'est pas
rentré. Ma mère, Marguerite Ndaciwe, s'est mise à attendre, elle
n'avait pas d'autre choix. Elle a attendu mais Isidore ne venait toujours
pas. L'impatience a fait place à 1 'inquiétude. Qu'est-ce qui est
arrivé à son cher époux ? Elle n'avait pas la moindre idée. Autour
d'elle, un silence total s'était installé, un drôle de climat s'était
instauré dans le quartier mais elle n'avait aucune information sur ce qui
pouvait se dire en ville. Uri jour est passé, puis deux, puis trois et
toujours pas de nouvelles d 'Isidore. Et puis un matin ou un après-midi,
j'étais trop jeune pour me rappeler, un monsieur est venu. Un collègue
ou tout simplement une connaissance de mon père, je n'en sais plus rien.
Il a dit à ma mère: Nturindire Mugabonihera, ntazogaruka. Ce qui veut
dire en français, Mugabonihera ne reviendra plus, il ne faudra pas
l'attendre".
- En
province Muramvya
De toutes les provinces du
pays, celle de Muramvya mérite une mention particulière. En effet, des
violences ethniques introduites dans les milieux paysans emportèrent de
nombreuses vies humaines parmi les tutsi, mais davantage parmi les hutu,
particulièrement dans la commune de Busangana, actuelle Bukeye. |
-19-
a. Réaction initiale des
populations rurales|
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Pour comprendre le déchaînement des
violences ethniques en province Muramvya, il convient d'expliciter
certains facteurs. Muramvya est le berceau de la monarchie burundaise. La
mentalité des populations rurales est profondément ancrées dans les
traditions monarchiques. De nombreuses personnalités politiques
proviennent de cette province, ce qui la rend plus sensible aux
différents discours de propagande. Parmi ces politiciens figure le
député Paul Mirerekano, victime arbitraire de toutes sorte de
tracasseries depuis l'époque de la lutte pour l'indépendance: exil,
arrestations, condamnation à de lourdes peines... D'après un témoin
originaire de la région, les communes les plus au Nord de la province, à
savoir Bugarama, Kavumu et Busangana sont le fief de Paul Mirerekano. Ces
communes bénéficient d'un site climatique particulièrement favorable
développent une agriculture intensive des marais. En sa qualité
d'agronome, Paul Mirerekano s'est constitué un réseau de sympathisants
parmi les jeunes gens qu'il a initié aux techniques du maraîchage.Le 20
octobre, apprenant que Mirerekano avait été exécuté et qu'il y avait
eu une tentative par les Tutsi d'assassiner également le roi, les Hutu
ont commencé à brûler les maisons de leurs voisins Tutsi. En partant de
Busangana vers Kavumu, les collines les plus touchées furent Ruvuno,
Rusha, Mirango, Kigereka, Kanindi, Busekera, Bugari, Rweteto et Shumba.
Mais, d'après le Ministre des Affaires Etrangères et du Commerce
Extérieur, également originaire de la région, "Il
faut souligner que les dommages ont été relativement limités en raison
de 2 facteurs: d'une part, les forces de l'ordre sont intervenues
rapidement, de l'autre, les assassins ont commencé leurs crimes en pleine
journée, ce qui a permis à de nombreux tutsi de se réfugier dans la
Kibira toute proche.... Détail important: nombreux furent les hutu qui
cachèrent des tutsi, et parmi les militaires qui rétablirent l'ordre à
Muramvya et à Bujumbura figuraient de nombreux hutu"
La solidarité dont furent preuve de
nombreux hutu et tutsi pour résister à ces massacres insensés a été
reconnue, même par les auteurs principaux des massacres, dont Albert
Shibura. Ce qui infirme la thèse de plan de génocide des tutsi par les
hutu. Shibura écrit: "Ici, il faut
noter un élément capital. Avant l'arrivée des forces de l'ordre, les
paysans et les paysannes bahutu et batutsi confondus s'étaient organisés
en groupe d'auto-défense pour s'opposer aux massacres et arrêter
l'avance des rebelles. C'est ainsi que les troubles n'ont pas débordé
sur d'autres communes".
Un autre facteur qui a
limité les dégâts est le caractère parsemé de l'habitat sur les
collines. Mais quelle que soit l'étendue des dégâts, il est déplorable
que des personnes humaines de Busangana ou d'ailleurs soient mortes du
seul fait de leur ethnie. Mais dès lors, faire le lien de cette révolte
paysanne avec la mutinerie de la capitale, ou parler de génocide pour ces
quelques victimes tutsi relève purement et simplement de la mauvaise foi.
La même mauvaise foi est patente lorsque cette révolte est attribuée à
de pacifiques parlementaires pris de court par la tournure des
événements dont ils furent les premières victimes. C'est le cas de
Mirerekano et de Nzobaza.
b. Une répression
impitoyable|
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En province de Muramvya, la
répression conduite principalement par l'armée au sein de la communauté
hutu fut plus musclée, plus systématique et forcément plus meurtrière
que la révolte paysanne.
- Les
méthodes utilisées
Un contemporain des
événements fait état des méthodes utilisées pour effectuer les rafes:
"Dans les trois communes, les rafles des petits employés
communaux et des enseignants hutu du primaire s'effectuèrent comme dans
la capitale. Pour détacher les Hutu instruits de la base populaire, les
Tutsi faisaient courir le bruit qu'ils étaient appréhendés parce qu'ils
étaient ennemis de la nation, inyanka-Burundi : ils avaient reçu des
américains de fortes sommes pour leur vendre le pays. La population
paysanne elle fut prise dans la nasse comme le pêcheur ramasse son
poisson. L 'armée commença par envoyer un hélicoptère qui lâcha sur
le territoire des trois communes des tracts in vitan t les gens à quitter
leur refuge et à se rendre plutôt au chef lieu de leur commune pour y
entendre un discours de pacification émanant du roi. Les gens sans se
douter de rien se rendirent à la commune comme ils le faisaient en temps
normal. Quand l'armée se fut assurée que tout le monde était présent,
les soldats trièrent les Tutsi qu'ils renvoyèrent chez eux mais les Hutu
furent aussitôt embarqués dans les camions militaires et acheminés à
la prison provinciale de Muramvya d'où la majorité d'entre eux ne revint
jamais. Pour toute la province, le chiffre de victimes hutu se monte
d'après plusieurs sources concordantes à 50.000". |
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La population de Muramvya est la
première à faire les frais de massacres collectifs par l'armée: "Des
milliers de paysans furent soit massacrés, soit conduits dans des camps
de concentration de Muramvya où une partie de déportés moururent de
mauvais traitements; d'autres sont morts de bastonnades avant d'arriver en
prison. Certains innocents furent démembrés, éventrés, déchiquetés
et même enterrés vivants. D'autres eurent les yeux crevés
- Quelques
criminels notoires
En plus de ces raffles
spectaculaires, beaucoup de personnes furent exécutés arbitrairement et
savagement à Bukeye et à Muramvya par certaines autorités criminelles
qui ont laissé un souvenir indélébile dans la mémoire des rescapés. A
Bukeye, on a signalé le cas d'un sous-lieutenant nommé Denis Bingoye,
qui alignait ses victimes pour les fusiller sans gaspiller ses cartouches.
Le salaud portait en permanence un chapelait et un portrait de St-Denis
que lui avait offert sa fiancée, fille de Germain Bimpenda, le Grand
Maréchal de la cour Un autre criminel tristement notoire est le
commissaire d'arrondissement de Muramvya Tharcisse Ntavyibuha, surnommé
pour ses crimes"Ntavyibuhimivyimba", celui qui ne se lasse pas
de tuer. Nul ne saura le nombre de victimes hutu il a fait disparaître
dans des assassinats nocturnes. Ce commissaire provoquait et tirait sur
tout hutu qui traversait son chemin. Il fut promu gouverneur de province
pour ses loyaux services durant la répression. A son seul actif, les
estimations donnent entre 2 500 et 5 000 le nombre de hutu tués. A
Muramvya seulement, les sources concordantes donnent un total de 232
exécutions entre le 7 et le 13 novembre. Le 14 novembre, après une
tentative d'évasion d'un groupe de hutu de la prison,92, 92 détenus
furent fusillés. Les conditions à l'intérieur de la prison ont été
décrites par un représentant de la Croix Rouge comme étant
inimaginables. Dans la prison de Muramvya, 900 personnes étaient
détenues dans un espace aménagé pour 90 personnes, et en janvier 1966,
plus d'une centaine étaient déclarées mortes.
- Généralisation
des massacres à travers tout le pays
Dans les autres provinces du
pays, la situation est restée calme. Cependant, les expéditions
punitives ont touché tout le pays, avec une rage particulière pour les
localités où le Parti du Peuple s'était manifesté lors des dernières
élections, spécialement à Gitega, Bururi et Cibitoke. Normal puisque le
plan établi visait la décapitation de toute l'élite hutu du pays. Les
cibles recherchées dans les campagnes étaient les tous les petits
fonctionnaires hutu, enseignants pour la plupart, et les commerçants. La
chasse à l'élite hutu se poursuivait parallèlement dans les centres
urbains.
a. Témoignage d'un paysan
de Matana |
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Le témoignage suivant,
livré par un paysan de Matana en province Bururi, est singulièrement
significatif. Il est copié intégralement du livre du Professeur Nsanze
Augustin.
"Les instituteurs
Bangerezako Sylvestre alias Mwonga et Nzangomba Chrysanthe, ainsi que le
bourgmestre de Matana, Bisu Simon étaient membre du parti PP et amis du
député Bazahica Tito. Quand ils apprirent qu'on était à la recherche
des partisans du PP, ils s'enfuirent au Mosso, en direction de Butare. On
les y poursuivit, ils furent rattrapés, ligotés et ramenés à Matana
où ils furent enfermés en prison avant d'être transférés à Bururi.
Là, ils y ont demeuré pendant toute une année. Dans l'entre-temps, on a
spolié tous leurs biens: vaches et argent. Les voleurs se déguisaient en
policiers communaux, et, armés de lances, de machettes et de gourdins,
ils s'emparaient du bétail, sous prétexte qu'ils le conduisaient à la
commune où nies prisonniers étaient incarcérés 'pour vérifier que ces
vaches leurs appartenaient réellement, qu'elles n'avaient pas été
achetés avec de l'argent collecté lors de la campagne pour le PP."
Ce bétail, n'a jamais été ramené. Ceux qui ont été rattrapés avant
ceux-là ont été tués. Par exemple le notable Ntibahezwa de Ruzira a
été battu de la maison au chef lieu de la commune, il est mort à
Matana. Ceux-là ont eu de la chance car le mwami avait déjà déclaré
qu'on arrête les massacres. On trompait la population en disant qu'ils
étaient des bamenja (régicides). C'est ainsi qu'ils étaient tabassés
par les hutu et les tutsi de l'Uprona indistictement"
b. Les prisons, de
véritables mouroirs |
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A travers tout le pays, la
population carcérale a exponentielle ment augmenté. Toutes les prisons
et maisons
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2002
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