BUTARE(Rwanda) de notre envoyé
spécial
« Le mercredi, les militaires sont
arrivés dans nos villages.J'étais dans la bananerais et ils m'ont blessé.
lis ont fait entrer les enfants dans la maison et ils ont mis le feu. Alors,
je me suis enfui avec ma femme. Je marchais la nuit. Le jour, je me cachais
dans la forêt. Je voyais des militaires partout.. Je l'entendais, ils
disaient : « Tous les Hutus doivent être exterminés. »Il y avait aussi des
hélicoptères. Je suis arrivé lundi au Rwanda. Je ne pouvais plus marcher, ma
femme me tirait. Je ne retournerai, plus chez moi, dans mon pays, tant que
ce régime durera. J'ai peur. »
André Ntalindi, trente et un ans, est maintenant à l'hôpital
universitaire de Butera, soigné pour une fracture de la clavicule. Il fait
partie des dizianes de milliers de réfugiés qui ont fui le Burundi pour
trouver asile au Rwanda tout proche. Son témoignage est essentiel puisqu'il
est originaire de Ntega, la commune où les troubles auraient commencé. Il
admet _ mais sa mémoire, déjà, s'étiole _ qu' « il y a eu des bagarres»
entre Tutsis et Hutus et que les responsables communaux des Tutsis ont été
tués. Et puis l'armée est arrivée, procédant à un massacre _ quel autre mot
? _ systématique. Tous les témoignages des blessés concordent, la répression
a été sanglante et aveugle.
Voilà ce bébé _ un mois et demi _ blessé au ventre par un coup de
poignard. Son père le tient dans ses bras. Lui aussi travaillait aux champs
quand les militaires sont arrivés : « Je me suis caché. Quand je suis
rentré chez moi, ma femme était morte, deux de mes enfants blessés. Je les
ai pris avec moi et j'ai fui. Je ne sais pas ce que sont devenus mes cinq
autres enfants. » Encore un enfant _ trois ans _ qui a reçu des éclats
de grenade dans le bras et qui, hébété, regarde son pansement.
Un autre témoignage : « Je me suis caché dans les w. c. Pendant ce temps,
ils tuaient mes quatre frères. » Voilà cet autre paysan : « Des
militaires ont dit « Chargez » ! et ils ont tué tout le monde.
Partout. Les avions aussi portaient la mort. » Et puis, la panique
aidant, toutes les horreurs sont envisagées. « Il paraît que des avions
ont envoyé du napalm, raconte un médecin rwandais et que des brûlés
sont un train d'arriver » (1).
(1) L'utilisation de napalm a été
catégoriquement démentie par le gouvernement burundais (le Monde du 24
août).
AGNEWS
2006