Burundi jusques  à  quand ?

Par Marie-France CROS

23.8.1988
LA LIBRE BELGIQUE
Commentaire

Qui a commencé? Les Tutsis, en procédant à de nombreuse arrestations de Hutus dans tout le pays .- comme l'affirme l'opposition hutu ? Ou les Hutus, menés par des agitateurs hors du pays comme l'indique le gouvernement burundais, dominé par les Tutsis ? Le saura-t-on un jour ?

A l'appui de la thèse des premiers: le passé. En 1972, de 150.000 à 300.000 personnes avaient été tuées en quelques mois, en majorité des Hutus. Le gouvernement burundais justifie les meurtres de masse par la répression nécessaire d'une tentative de renversement du pouvoir de la part des Hutus. L'opposition hutu parle d'un plan d'élimination soigneusement préparé. Ce qui est sûr, c'est qu'en quelques mois, cette année-là, tous les responsables hutus - ministres, officiers, fonctionnaires - ont été éliminés, puis les cadres moyens et inférieurs, les instituteurs, des prétres... bref tous les Hutus qui avaient un tant soit peu d'instruction, jusqu'aux écoliers. Les Hutus restant ne pouvaient, apparemment, qu'être paysans ou artisans.

À l'appui de la thèse du gouvernement burundais: serait-il vraiment étonnant que les Hutus, qui forment 80p.c. de la population mais sont écartés du pouvoir, tentent de se soulever ?

Quelle que soit la communaute qui ait commence, cette fois, le massacre, la racine du problème ne réside-t-elle pas dans le fait que le Burundi vit une si . tuation qui peut être assimilée, par certains côtés - mais certains côtés seulement -  1 » apartheid. Tant qu'elle perdurera, les massacres recommenceront.
Il est évident que les Tutsis qui monopolisent le pouvoir au Burundi craignent de connaître la même situation que leurs «cousins» du Rwanda voisin où, de 1959 à 1963, une série de massacres - dont les Tutsis étaient cette fois les principales
victimes - a forcé à l'exil des dizaines de milliers de personnes de cette ethnie, alors que s'établissait une république à domination hutu. Aujourd'hui encore, le Rwanda n'est pas entièrement libéré du démon de la discrimination.

Reste qu'il est infiniment plus intolérable de voir s'ajouter à ce dernier le manque absolu de démocratie que suppose la perpétuation du pouvoir d'un groupe représentant 20 p.c. de la population sur les 80 p.c. restant - comme c'est le cas au Burundi.

En dehors des périodes de crise aiguê, les autorités de Bujumbura s'obstinent à prétendre qu'il n'existe pas de problème ethnique au Burundi. Jusqu'au massacre suivant. Oui ne voit la part de suicidaire qui entre dans ce comportement, comme si les Tutsis du Burundi préféraient la fin du monde plutôt que la fin de leur monde - et dure ce que peut ?

Jusques à quand ?Et jusques  quand le monde extérieur -et en particulier la Communauté européenne qui réunit les pays les plus liés au Burundi: Belgique, France, Allemagne - se contentera-t-il de regarder ?

@AGNews 2002