RÉALISATION DU PLAN
D'EXTERMINATION.
MEPROBA-BELGIQUE
Novembre 1974
Depuis des siècles, trois groupes
socialement distincts existent au Burundi: les Hutu
(85%), les Tutsi (14 %) et les Twa (1
%).
Les Twa, potiers et classeurs, ont été selon l'assertion
courante les premiers occupants du Burundi.
Vinrent ensuite les Hutu, agriculteurs qui s'attaquèrent à
l'abattage et au défrichement de la forêt qui couvrait autrefois le Burundi. Ils
s'organisèrent socialement jusqu'à l'arrivée les pasteurs tutsi. Ainsi allait
s'édifier la première société burundaise.
Dans cette société traditionnelle, les Twa étaient en
fait des parias, Quant aux Hutu, ils conclurent avec les pasteurs tutsi des
contrats de bail à cheptel (contrat de l'ubugabire). Ce contrat de
servage pastoral s'appliquant principalement à la vache n'est pas seulement à
la base d'organisation sociale, il a été entre les mains des Tutsi le plus
parfait des instruments de domination : "Jadis pour un oui, pour un non, à
la moindre défaillance ou réticence du client, lors d'un service à rendre,
d'une prestation à accomplir ou d'un cadeau à apporter, le patron rompait le
contrat à son profit et reprenait la bétail en sa totalité". (1)
Ainsi le Hutu était taillable et corvéable à merci.
Ces rapports entre les trois ethnies restèrent intacts et peut-être furent
même renforcés pendant toute la période coloniale.
Les colonisateurs et les missionnaires ont toujours vigilamment
veillé à maintenir les structures existantes.
(1) H. Guillaume, le Rwanda-Urundi, 1957.
----------------------------------
EVOLUTION POLITIQUE DU BURUNDI DEPUIS LES ANNEE 60
L'évolution politique du Burundi depuis les années 60 ne
pourrait se comprendre sans tenir compte de la révolution rwandaise de 1959.
En 1959 survient au Rwanda un événement capital qui par sa
nouveauté va rester constatamment à l'esprit des dirigeants du Burundi,
alimentant la crainte des Tutsi. Une révolte sanglante renverse la monarchie
séculaire, chasse le roi, aboutit à l'exil d'une bonne partie de la couche dominante
tutsi. Il ne faut pas s'étonner que les Tutsi du Burundi cherchèrent à prévenir
à tout prix un événement comblable.
Les premières élections législatives au Burundi eurent
lieu le 18 septembre 1961. A l'assemblée nationale, l'UPRONA obtient la
majorité des sièges. Une fois au pouvoir les féodaux tutsi décidérent
de combattre les militants progressistes hutu. Une occasion inespérée devait
se
présenter à eux: l' assassinat du prince Rwagasore par
les membres de la famille rivale des Batare le 13 octobre 1961.
Commence alors une répression sanglante contre le principaux leaders hutu
accusés d'avoir participé à l'assassinat du Prince
RWAGASORE. Beaucoup furent maltraités gravement : cinq d' entre eux sont assissinés,
monsieur MIBURO, bourgoumestre de Muramba, est enterré vivant, cinq
autres principaux dirigeants syndicaux sont arrêtés et exécutés. (Cfr hebdomadaire
Spécial du 18 novembre 1965 et Remarques Africaines n°270 du 14 juillet
1966) . Les jours suivants ne virent rien modifier à la situation
- cela ne suffit -pas à apaiser les Tutsi. Au contraire un plan d'extermination
des Hutu fut élaboré en 1963 par ANDRE MUHIRWA , alors premier
ministre.
Il devait être repris et mis au point par Arthémon
SIMBANANIYE, actuel ambassadeur itinérant et
ministre plénipotentiaire.
Ce plan comportait trois phases:
1°) Semer la haine entre les ethnies en noircissant fortement
quelques hauts intellectuels hutu;
2°) Faire disparaître physiquement le Chef de l'Etat pour
plonger le pays dans la confusion et la colère.
3°) Tablant sur les faux bruits, crier haro sur
les Hutu pour la récidive de 1965. Alors, il ne reste plus qu'à lancer une
répression sur des cibles choisies d'avance et à se montrer très active
sans l'épuration criminelle pour réclamer le pouvoir comme rançon de son
zèle. Après ce coup de balai, l'apartheid règnera au Burundi et le
"péril hutu" sera à jamais anéanti.(1)
(1) Tiré du Rapport Politique n°
093/I00CAB/68, Bujumbura 1968.
Ainsi fut écrit, ainsi fut fait.
Nous assisterons à une série d'assassinats politiques de
personnalités hutu dont les figures les plus marquantes sont :
- Gabriel GIHIMBARE, aumônier hutu des Forces Armées qui venait
d'être nommé Auxiliaire de l'archevêché de GITEGA, tombé sous les
balles tutsi le 15 décembre 1964.
- Pierre NGENDANDUMWE, assassiné le 15 janvier 1965
tandis qu'il venait d'être nommé le jour même
formateur du gouvernement.
Après les élections de 1965, le roi refuse l'investiture d'un parlement à
majorité hutu et viole les institutions démocratiques. Pour renforcer son
pouvoir absolu, il va s'appuyer surtout sur la noblesse.
La bureaucratie tutsi et hutu s'attaque à l'absolutions royal
et à la cour et s'entend pour renverser la monarchie. Hélas les Hutu sont
trahis et tombent dans le piège du plan MUHIRWA dont nous avons parlé plus
haut. La répression qui s'ensuivit prit l'allure d'un génocide. Mous
comprenons dès lors que l'extermination impitoyable des conspirateurs avait un
double but: punir les coupables mais surtout assainir la situation un écrasant
l'opposition par le fusil", écrivait en son temps l'étudiant tutsi
Juvénal MADIRISIA (cfr Remarques Africaines n° 282 du 26 janvier 1967).
Débarrassée des Hutu, la bureaucratie tutsi profite des
dissensions au sein de la famille royale et aide le fils (NTARE V) à renverser
son père MWAMBUTSA IV) en juillet 1966. Quatre mois plus tard, la monarchie est
balayée et la bureaucratie tutsi proclama sa preudo-révolution le 28 novembre
1966.
Sous le régime militaire, on continuera à exclure les Hutu de
l'appareil de l'État, de l'armée, de l'administration, de l'enseignement, etc
... pour déboucher sur 1969 où un complot fut monté fallacieusement par le
régime en vue de supprimer les survivants de 19S5. Une soixantaine
de personnalités hutu furent fusillées dont trois officiers récemment
rentrés de l'Ecole Royale Militaire de Bruxelles. L'année 1970 voit
l'arrestation des étudiants Hutu de l'Université Officielle de Bujumbura et de
l'Ecole Normale Supérieure accusés de complot contre les institutions
établies.
Malgré sa solidarité ethnique sur laquelle se fonde le
régime, cela n'empochera pas que des rivalités naissent en son
sein. Tout ainsi que le népotisme du président MICOMBERO, originaire du sud,
va engendrer la division entre le sud et reste du pays. Fin 1971, le régime
annonce un coup d'état avorté monté par l'autre faction. C'est un coup dur au
mythe de la solidarité ethnique. C'est un dilemme. Les deux parties disposent
de forces égales à peu de choses près. Lors du procès, le ministre
public se déclara incompétent voire requerra la libération des accusés.
Cependant, la cour martiale va prononcer des condamnations à mort. C'est un
coup de théâtre, une menace d'effondrement du régime. Le parti et sa jeunesse
se disloquent. Des pressions de toutes parts s'exercent sur le président pour
grâcier les condamnés. Ce qui fut fait.
Ce complot constituait le deuxième phase du plan SIMBANANIYE
: "Faire disparaître physiquement le Chef de l'État pour plonger le
pars Sans la confusion et la colère."
Cette deuxième phase est-elle un échec, est elle une réussite
? Toujours est-il que moins de trois mois après la troisième phase
commençait.
Les faits :
Le 31 mars 1972 : l'ex-mwami Ntare V rentre au Burundi;
le gouvernement lui avait assuré la sécurité mais il est de suite mis on
résidence surveillée.
Le 2- avril 1972 : le commandant
SHIBURA et YANDA respectivement ministre de l'Intérieurr et de la Justice,
ministre de l'Information et Secrétaire Général du parti unique Uprona,
président une assemblée groupant quelque 150 responsables du parti.
L'assemblée prend des mesures de répression contre ceux qui n'ont pas encore
adhéré à la JRR (Jeunesse Révolutionnaire Rwagasore)
- le mouvement du régime et demandent au président de la République de
décréter une loi instituant la suprématie du parti.
Le 29 avril 1972 : Micombero révoque son gouvernement et plusieurs
hauts fonctionnaires? Quelques six heures après la révocation du gouvernement
, la radio du Burundi annonce que le régime a dé joué une tentative te coup
d'état des "agents impérialismes et monarchistes".
Selon la même radio, les partisans de l'ex-mwami NTARE V
avaient lancé une attaque centre le palais où il était détenu, pour le
délivrer. D'autres combats eurent lieu dans la capitale entre
"monarchistes" et Forces Armées. Il y eut de nombreuses victimes
civiles. Elle affirme que NTARE V "voulait prendre le pouvoir avec l'aide
des mercenaires blancs" mais qu'il a péri dans le combat.
Le même soir, Micombero déclare sur les antennes qu'il a la
situation en mains , que les auteurs du complot ont été arrêtés et devront
en répondre devant le tribunal populaire, mais cela n'empêche qu'il ordonne un
couvrefeu de durée illimitée sur tout le pays, remplace les gouverneurs civils
par des gouverneurs militaires à la tête des huit provinces etet demande au président MOBUTU du Zaïre de lui envoyer dos
troupes de renfort. La demanda est satisfaite le même jour; les autorités
zaïroises ne le confirmeront que la 3 mai.
La 1 er mai au soir : la radio de Bujumbura annonce que les
combats ont pris une ampleur très vaste dans la province méridionale du pays
(D'où sont issus les tenants du pouvoir, Micombero y compris ) . Elle ajoute
que la soulèvement a été organisé par les réfugiés mulélistes du
Zaïre,des Inyenzi (Tutsi du RWANDA) et des Barundi désireux de renverser le
régime. Elle précise qu'il s'agit de monarchistes tutsi.
@AGNews
2002
|